Le Capitaine Micah Clarke
nous en troupe
confuse et insouciante, les chapeaux posés de travers, la fumée de
leur tabac montant au-dessus d'eux comme la vapeur du corps d'un
cheval fatigué.
Leur nombre devait s'élever à environ quatre
cents.
Les paysans de Rockbere, armés de fléaux et de
faux, venaient en tête de la colonne suivante, qui précédait la
bannière de Honiton défendue par deux cents robustes ouvriers en
dentelles venus des rives de l'Otter.
Ces hommes, ainsi que le montrait la teinte de
leur figure, avaient été retenus entre quatre murs par leur métier,
mais ils étaient bien supérieurs à leurs camarades les paysans par
leurs façons alertes, et leur attitude martiale.
D'ailleurs, à propos de toutes les troupes en
général, nous avons remarqué que si les paysans montraient plus
d'endurance et de bonne volonté, les gens de métier prenaient plus
vite l'air et l'esprit des camps.
Derrière les gens de Honiton venaient les
tisseurs de draps, les Puritains de Wellington, avec leur Maire
monté sur un cheval blanc, à côté de leur porte-étendard, et
précédés d'une fanfare de vingt instrumentistes.
Avec leurs figures farouches, c'étaient des
hommes réfléchis, posés.
Le plus grand nombre étaient vêtus de gris et
coiffés de chapeaux aux larges bords.
« Pour Dieu et la Foi » telle était
la devise d'un étendard qui flottait au milieu d'eux.
Les drapiers formaient trois fortes
compagnies, et le régiment entier devait compter bien près de six
cents hommes.
Le troisième régiment avait en tête cinq cents
fantassins fournis par Taunton, gens de vie paisible et
industrieux, mais profondément pénétrés de ces grands principes de
liberté civile et religieuse qui devaient trois ans plus tard
renverser tout devant eux en Angleterre.
Lorsqu'ils franchirent la porte, ils furent
salués par un tonnerre d'applaudissements de leurs concitoyens
postés sur les murs et aux fenêtres.
Leurs rangs réguliers et compacts, leurs
larges et honnêtes figures de bourgeois, me parurent avoir un air
marqué de discipline et de besogne bien faite.
Derrière eux venaient les recrues de
Winterbourne, d'Illminster, de Chard, d'Yeovil, de Collumpton,
chaque troupe d'au moins cent piquiers, ce qui portait à mille
hommes l'effectif du régiment.
Puis passa au trot un escadron de
cavalerie.
Il était suivi de près par le quatrième
régiment.
L'avant-garde portait les étendards de
Beaminster, de Crewkerne, de Langport et de Chidiock, autant de
paisibles villages du comté de Somerset, qui avaient envoyé leurs
hommes frapper un coup pour la vieille cause.
Des ministres puritains, coiffés du chapeau
pointu, et vêtus des robes genevoises, jadis noires, mais
maintenant blanches de poussière, marchaient d'un pas ferme à côté
de leur troupeau.
Puis venait une forte compagnie de pâtres
sauvages, à peine armés, sortis des grandes plaines qui s'étendent
depuis les Blackdowns, dans le Sud, jusqu'aux Mendips dans le
Nord.
Je vous réponds que ces gaillards-là n'avaient
aucun trait de ressemblance avec les Corydons, avec les Strephons
de Maître Waller ou de Maître Dryden, qui ont dépeint les bergers
toujours occupés à verser des larmes d'amour et à souffler dans un
chalumeau plaintif.
Je crains que Chloé, que Phyllis n'eussent
trouvé de bien grossiers amoureux chez ces sauvages de l'Ouest.
Après eux venaient des mousquetaires de
Dorchester, des piquiers de Newton-Poppleford, d'un corps de solide
infanterie fourni par les tisseurs de serge d'Ottery Saint
Mary.
Ce quatrième régiment se montait à un peu plus
de huit cents hommes, mais par l'armement et la discipline, il
était inférieur à celui qui le précédait.
Le cinquième régiment avait en tête une
compagnie des gens habitant les contrées marécageuses qui forment
la monotone région des environs d'Athelney.
Ces hommes, en leurs logements sombres et
sordides, avaient gardé le même caractère libre et hardi qui, au
temps jadis, avait fait d'eux la dernière ressource du bon Roi
Alfred et les défenseurs des comtés de l'Ouest contre les
incursions des Danois : ceux-ci ne purent jamais pénétrer au cœur
de leurs forteresses entourées par les eaux.
Deux compagnies de ces hommes, à la chevelure
d'étoupe, aux pieds nus, mais ardents au chant des hymnes et aux
prières, étaient venues de leurs citadelles pour secourir la cause
protestante.
Après eux, venaient les bûcherons et
charpentiers de Bishop's Lidiard, hommes gros et
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