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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
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le hantait… Le mot qui surgissait dans ses rêves au rythme des martèlements de son cœur. Se penchant, il colla son oreille brûlante contre la fraîche boiserie peinte en blanc.
    « Ici, Bertrand de Born, qui trancha les liens unissant un père et son fils en les instiguant à se faire la guerre, tient entre ses mains sa propre tête décapitée à la façon d’une lanterne, et s’adresse au pèlerin florentin par la bouche de cette tête.»
    Cette voix apaisante était celle de Longfellow.
    « À l’instar du Cavalier sans tête d’Irving. »
    Un rire de baryton. Appartenant sans aucun doute possible à Lowell.
    Rey retourna son papier et écrivit ce qu’il entendait.
     
    Ayant disjoint deux êtres si unis,
    je porte hélas mon cerveau séparé
    de son principe que ce tronc renferme ;
    ainsi s’observe en moi le contrapasso.
     
    Contrapasso ? se demanda Rey. Il perçut un léger vrombissement. Serait-ce un ronflement ? Ce bruit le rendit conscient de sa propre respiration et il s’efforça de la calmer. Lui parvint ensuite une symphonie de plumes grattant le papier.
    « Le plus achevé des châtiments de Dante », disait Lowell.
    À quoi quelqu’un répondait :
    « L’auteur lui-même en conviendrait ! »
    Mais Rey était trop préoccupé pour continuer à tenter d’identifier les locuteurs, dont les interventions se mêlaient en un chœur général.
    « C’est la première fois que Dante appelle aussi clairement l’attention sur cette notion de contrapasso… disait une voix. Nous n’avons pas pour ce mot de terme exact, de définition précise en anglais, parce qu’il est lui-même sa propre définition. Je proposerais contre-souffrance, mon cher Longfellow… L’idée que tout pécheur aura pour châtiment de perpétrer son péché éternellement, mais à l’encontre de soi-même. A la façon des Schismatiques, qui se sont découpés en morceaux. »
    Rey partit à reculons jusqu’à atteindre la porte d’entrée.
    « L’école est finie, messieurs. »
    Il y eut des claquements de livres et des bruissements de papier et Trap se mit à aboyer en direction de la fenêtre. Personne n’y prêta attention.
    « Nous avons bien mérité un dîner pour notre labeur.»
    « C’est un faisan vraiment colossal ! s’émerveilla James Russell Lowell en caressant du doigt un gros squelette bizarre, à la tête plate et surdimensionnée.
    — Je ne connais pas une bête sur terre dont il n’ait démonté les intérieurs pour les remonter ensuite », déclara le Dr Holmes en riant de bon cœur.
    Mais avec une certaine perfidie, pensa Lowell.
    Il était tôt le matin, en ce lendemain de la réunion du cercle des Amis de Dante, et les deux poètes se trouvaient au musée de zoologie comparative de Harvard, dans le laboratoire du professeur Louis Agassiz. Celui-ci les avait accueillis et s’en était retourné dans son bureau achever une affaire en cours après avoir jeté un coup d’œil rapide à la blessure de Lowell.
    « D’après le mot qu’il m’a laissé, Agassiz était désireux de voir mes échantillons d’insectes », dit Lowell avec un détachement forcé.
    Il était certain maintenant que la mouche qui l’avait piqué dans le cabinet de travail du juge était à l’origine de sa blessure. Il imaginait déjà le savant lui disant : « Quel malheur, mon pauvre Lowell, il n’y a pas d’espoir. » Holmes avait beau soutenir que ces mouches-là ne piquaient pas, Lowell n’y croyait pas. Existait-il dans la nature un seul insecte de la taille d’une pièce de dix cents qui ne piquât pas ? Le pronostic serait la mort, et se l’entendre dire à voix haute serait presque un soulagement. Il avait caché à Holmes que sa blessure s’était beaucoup aggravée ces derniers jours et qu’il sentait souvent sa jambe palpiter violemment. À chaque heure qui passait, la douleur montait de plus en plus haut. Non, il s’était interdit de montrer sa faiblesse à Holmes.
    « Il vous plaît, Lowell ? »
    Louis Agassiz revenait dans la salle, tenant les échantillons d’insectes entre ses doigts épais perpétuellement imprégnés d’une odeur d’huile, de poisson et d’alcool. Lowell marqua de la surprise. Il avait complètement oublié la gigantesque poule d’eau.
    « C’est un dodo ! continuait fièrement le biologiste. Notre consul aux îles Maurice m’en a offert deux squelettes pendant mon voyage là-bas. N’est-ce pas admirable ?
    — À votre avis,

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