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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
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chuchota dans son rêve une figure bestiale.
    Bien qu’endormi, il eut conscience que le mot ici ne figurait pas dans le puzzle retrouvé là où Elisha Talbot avait été assassiné. Je ne peux mourir comme je suis. Il fut réveillé par deux hommes, se tenant aux courroies, qui argumentaient sur l’opportunité d’accorder le droit de vote aux femmes, et s’assoupit à nouveau. Il eut alors le vague sentiment de prendre une décision et, aussi, de reconnaître l’homme bestial de son rêve : c’était le vagabond qui avait sauté par la fenêtre, mais avec un visage trois ou quatre fois plus gros. Bientôt la cloche tinta et le receveur cria : « Mount Auburn ! Mount Auburn ! »
     
    Mabel attendit que son père fût parti pour la séance de travail sur Dante pour inspecter son secrétaire en acajou. C’était un meuble français que Lowell avait rétrogradé au rang de semainier, préférant écrire sur un carton rigide, assis dans un fauteuil. En l’absence du poète, Elmwood perdait beaucoup de sa gaieté aux yeux de la jeune fille. Séduire les jeunes gens de Harvard ne présentait pas d’intérêt pour elle. Pas plus que fréquenter le cercle de couture de Petite Amelia Holmes, où les conversations tournaient autour des candidates à admettre ou à rejeter, comme si le monde civilisé tout entier attendait désespérément de se voir autorisé à coudre parmi cette élite, une élite où l’on ne rencontrait pas d’étrangères : leur adhésion ne méritant même pas d’être examinée. Or Mabel voulait lire et parcourir le monde. Elle voulait juger par elle-même de la vie décrite dans les livres, ceux de son père bien sûr, mais aussi ceux d’autres écrivains visionnaires.
    Les papiers de Lowell étaient dans leur désordre habituel, ce qui diminuait le risque de voir sa curiosité détectée. En revanche, la fouille allait requérir une délicatesse toute particulière pour déplacer les piles sans les ébouler. Il y avait là des tronçons de plume et un bon nombre de textes inachevés portant d’agaçantes traînées d’encre aux endroits précis où elle aurait aimé lire plus loin. Son père lui disait souvent de ne pas se lancer dans la poésie. Selon lui, la plupart des vers étaient mauvais et les bons inachevés, comme l’est la beauté chez une femme.
    Parmi tous ces feuillets, elle tomba sur un dessin étrange, une sorte de croquis à la mine de plomb tracé sur du papier rayé avec le soin méticuleux qu’un homme perdu dans les bois mettrait pour établir une carte, se dit-elle. Ou bien, imagina-t-elle encore, avec la précision qu’on aurait pour copier des hiéroglyphes, car ces traits solennels semblaient la tentative d’élucider une énigme. Ils avaient quelque chose de ces bonshommes que son père gribouillait dans les marges des lettres qu’il leur envoyait de l’étranger quand elle était enfant, pour leur donner une idée des gens avec qui il soupait, organisateurs de conférences et autres sommités. Se rappelant ses rires d’alors, elle s’exerça à deviner des formes dans ces esquisses. Elle vit d’abord un homme chaussé de patins à glace gigantesques et dont le corps s’aplatissait comme une planche à partir de la taille. Elle fit pivoter la page d’un quart de tour, puis d’un autre. Vues à l’envers, les lignes déchiquetées qui partaient des pieds ressemblaient à des flammes et non plus à despatins.
    Longfellow lut un passage de sa traduction du chant XXVIII, à partir de l’endroit où ils en étaient restés à la dernière séance. Dans son for intérieur, il aurait bien aimé en avoir fini avec ce chant-là ! Rien ne lui ferait davantage plaisir que d’en porter la version finale à Riverside Press pour que Houghton l’ajoute à sa liste de chapitres mis sous presse. C’était la partie la plus douloureuse de L’Enfer, au sens physique du terme. Ici, Virgile guidait Dante à travers une vaste section des enfers répertoriée sous le nom de Males-Bauges, ou fosse du Mal. Dans la neuvième fosse étaient groupés les Schismatiques, ceux qui de leur vivant avaient divisé nations, religions ou familles et qui, à présent, étaient eux-mêmes divisés dans leurs corps, mutilés, découpés en morceaux.
     
    « … un être que je vis
    crevé du col jusqu’au trou d’où l’on pète. »
     
    Il prit une longue inspiration avant de poursuivre.
     
    « Les boyaux lui pendaient entre les jambes ; on voyait la fressure et

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