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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
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et les regards sombres. Il finit par repérer leur interlocuteur à son œil unique et à sa peau grêlée.
    « Je l’ai, Wendell, souffla-t-il tout bas à son compagnon. J’ai retrouvé notre Lucifer ! »
    Haletant de joie, Holmes se retourna pour regarder dans la direction indiquée par Lowell.
    « Où ça, Jemmy, je ne le vois pas ! »
    Des chuts énervés fusèrent.
    « Là ! chuchota Lowell sur un ton agacé. Un, deux… au quatrième rang !
    — Où ça ?
    — Là ! »
    Une voix tremblante voguait de l’ambon vers la salle.
    « Je vous remercie, mes chers amis, de m’avoir de nouveau invité parmi vous. Et maintenant, que se poursuivent les châtiments décrits dans l’Enfer de Dante… »
    À ces mots, Lowell et Holmes reportèrent leur attention sur l’avant de la chapelle sombre et étouffante. Leur ami, le vieux George Washington Greene, s’installait au lutrin. Toussant faiblement, il prenait la pose, les bras en appui sur les côtés du pupitre. L’assistance envoûtée débordait d’espoir, attendant avidement de franchir à nouveau les portes de son enfer à elle.

Chant III
    15
    « Oh, pèlerins, entrez maintenant dans le cercle ultime de cette prison aveugle que Dante doit encore explorer pour accomplir son voyage sinueux dans les profondeurs, cette traversée fatidique grâce à laquelle l’humanité verra ses douleurs soulagées ! » George Washington Greene écarta largement les bras au-dessus de l’ambon massif d’où émergeait son torse étroit. « Car Dante ne cherche rien de moins que cela. Que lui importe son destin personnel, seul son poème compte à ses yeux : par le récit de son voyage, c’est l’humanité tout entière qu’il élèvera. Et nous, accrochés les uns aux autres, nous le suivons dans son cheminement. Des portes ardentes de l’Enfer, nous passons aux sphères merveilleuses du Paradis et, ce faisant, lavons du péché notre XIX e siècle !
    « Oh, quelle tâche formidable s’étend devant lui dans cette tour funeste de Vérone où le sel amer de l’exil colle à son palais. Il pense : “Comment saurai-je dépeindre les abysses, quand ma langue est si frêle ?” Il pense : “Comment ferai-je entendre mon chant miraculeux ?” Car il sait que tel est son devoir : racheter sa ville, le devoir de racheter sa nation, le devoir de racheter l’avenir, autrement dit : nous racheter, nous autres, tous ici rassemblés, dans cette chapelle réveillée de l’assoupissement pour faire retentir dans un monde nouveau la voix majestueuse du poète. Car, nous aussi, nous pouvons être sauvés ! Il sait que chaque génération possède quelques élus assez fortunés pour comprendre et pour voir. Sa plume est de feu, son encre est le sang de son cœur. Ô Dante, porteur de lumière ! Heureuses les voix des montagnes et des pins qui répéteront tes chants dans l’éternité des siècles et des siècles ! »
    Greene emplit largement ses poumons et se lança dans le récit de la descente de Dante au dernier cercle de l’Enfer.
    « Là, s’étend un lac lisse comme du verre. Il a nom Cocyte. Il est pris par des glaces plus épaisses que celles qui couvrent le fleuve Charles au cœur de l’hiver. Et, de cette toundra glaciale, parvient à Dante une voix en colère : “Regarde où tu marches, crie cette voix. Veille à ne pas fouler aux pieds les têtes de tes frères rompus et misérables !”
    « Oh ! D’où proviennent donc ces mots accusateurs qui transpercent les oreilles de notre Dante bienveillant ? Baissant les yeux, le poète voit, incrustées dans le lac figé, des têtes saillant de la glace : toute une congrégation d’ombres défuntes, un millier de têtes pourpres. Ce sont les pécheurs de la nature la plus vile que connaissent les fils d’Adam. À quelle forfaiture est donc destinée cette banquise de l’Enfer ? À la traîtrise, bien sûr ! Et quel châtiment, quel contrapasso, ces pécheurs subissent-ils pour le froid qui régna dans leurs cœurs ? Le châtiment d’être ensevelis dans la glace. Ils y sont plongés du cou jusqu’en bas, de telle sorte qu’ils ont éternellement sous les yeux les misères qu’ils causèrent par leurs méfaits. »
    Holmes et Lowell suffoquaient, ils sentaient leurs cœurs se distordre dans leurs poitrines. Les fières moustaches de Lowell s’affalaient de plus en plus sur son plastron, tandis qu’il écoutait un Greene exalté et pétulant de vie décrire avec quelle

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