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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
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verrouillé ses portes jusque-là. Pour un homme qui régnait sur le commerce de Boston, quel autre bonheur espérer, sinon celui de régner aussi sur les esprits les plus fins de la cité !
    Bien sûr, des amitiés en souffriraient, certaines se verraient sacrifiées.
    Souvent appelé à Harvard pour régler des affaires ayant trait à ses œuvres de mécène, Jennison avait discrètement engagé les fellows à empêcher l’enseignement de matières dénuées d’intérêt, comme la poésie de ce Dante qui passionnait le professeur James Russell Lowell et serait bientôt livrée aux masses grâce aux bons soins de Henry Wadsworth Longfellow. De même, il avait assuré les membres les plus influents du Conseil de supervision de son soutien plein et entier dans le financement d’un département des langues modernes réorganisé. Et Lowell, en lisant cela, de se rappeler qu’au même moment Jennison l’incitait à résister de toutes ses forces aux manœuvres de la Corporation.
    « Quand je pense qu’il n’y a jamais eu la moindre friction entre nous », dit-il tristement.
    D’après son journal intime, l’homme d’affaires caressait depuis plus d’une année l’idée d’orchestrer une polémique parmi les administrateurs. Bien menée, la querelle aboutirait à des mises à l’écart, voire à des démissions. Autrement dit : il y aurait des sièges à pourvoir. Mais à la mort du juge Healey, c’est un certain Choate qui avait été élu au Conseil de supervision. Phineas avait cru devenir fou. L’homme était falot ; il ne possédait pas la moitié de sa fortune ni le quart de ses talents en affaires ; il n’était même pas diplômé de Harvard ! Mais voilà, il était brahmane de naissance ! Cette loi tacite qui le grugeait était le fait d’un homme surtout : le Dr Augustus Manning. Jennison ne l’ignorait pas.
    À quel moment, exactement, avait-il eu vent de la dévorante détermination du trésorier à chasser Dante de l’université ? cela restait obscur. Toujours est-il qu’il avait vu là l’occasion d’obtenir un siège au conseil de la Corporation.
    « Jennison avait tout intérêt à attiser la lutte entre la Corporation et vous, dit Longfellow. Quelle que soit l’issue de la bataille, Manning en serait sorti usé ; divers postes se seraient trouvés vacants et Jennison se serait taillé la réputation d’un héros pour avoir soutenu la cause de l’université.
    — Je n’arrive pas à me faire entrer ça dans le crâne, répéta Lowell.
    — Il a œuvré à l’élargissement de la déchirure survenue entre l’université et vous, expliqua Holmes en relevant les yeux des petits papiers étalés devant lui. En retour, il a été déchiré. Voilà son contrapasso.  »
    Le docteur reprit son étude des lettres retrouvées près des cadavres de Talbot et de Jennison. Il avait fait sien l’entêtement de Nicholas Rey à découvrir leur signification et passait des heures en compagnie de l’agent à essayer toutes sortes de combinaisons. Il était convaincu que le meurtrier avait cherché à exprimer un message et qu’il avait aussi laissé des lettres auprès du juge suprême, mais que le vent soufflant de la rivière les avait emportées. Sans elles, la phrase déchiffrée par Rey demeurait une mélodie brisée : Je ne peux mourir comme…
    Longfellow ouvrit à une page blanche le cahier consacré à l’enquête. Ayant trempé sa plume, il se mit à fixer le vide. Il resta si longtemps immobile dans cette position que l’encre sécha. En effet, comment coucher par écrit la conclusion logique qui s’imposait à lui : à savoir que les châtiments infligés par Lucifer servaient avant tout leur intérêt à eux – l’intérêt du cercle des Amis de Dante ?
     
    La Chambre d’État se dressait haut sur Beacon Hill, et plus haut encore le dôme de cuivre qui la coiffait. Quant à la tour courtaude et pointue qui flanquait le bâtiment, elle semblait veiller sur le Common de Boston, tel un phare. Des ormes élancés à la ramure blanchie par le gel de décembre montaient la garde devant l’édifice.
    Sur le perron, souriant de ce sourire absent qui était l’apanage de ses pairs, le gouverneur John Andrew accueillait politiciens, notables et militaires en uniforme avec toute la dignité que lui permettait sa silhouette en forme de poire. Ses cheveux bruns descendaient en boucles sous son chapeau de soie noire. Ses lunettes, petites et cerclées d’or,

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