Le Cercle du Phénix
d’une étoile à six branches figurait
au centre du second vitrail.
— Le
caducée, l’emblème du dieu Hermès, enchaîna la voyante sans se départir de son
air sentencieux. Les deux serpents entrelacés, dont l’un possède des ailes,
désignent le Mercure et le Soufre, les deux entités fondamentales de l’opus
alchimique, la volatilité et la fixité de la matière qui doivent se combattre
et s’unir pour produire la pierre philosophale. Des questions ? ajouta-t-elle
avec un petit sourire persifleur.
Nicholas serra les poings et fit un pas en avant.
— Cessez
de nous prendre de haut ! Nous ne sommes plus des enfants, que
diable !
— Certes
pas, convint Dolem, mais comment espérez-vous mener à bien votre quête si vous
ne possédez même pas les connaissances alchimiques de base ?
Ses visiteurs demeurèrent silencieux ; elle
poursuivit donc :
— Abordons
à présent la partie la plus intéressante de l’exposé : le moyen par lequel
est fabriquée la pierre philosophale. Pour atteindre ce but ultime,
l’alchimiste doit en premier lieu préparer la Matière du Grand Œuvre. Il s’agit
de réunir les deux principes antagonistes, le Soufre et le Mercure des
philosophes, afin de former un corps nouveau qui donnera ensuite naissance à la
pierre. Avant toutefois d’en arriver là, le Soufre et le Mercure doivent être
extraits à l’état de pureté absolue du règne métallique, et plus
particulièrement de l’or et de l’argent, métaux parfaits symbolisés par le
Soleil et la Lune. Le Soufre est tiré de l’or, le Mercure de l’argent. Rien de
plus logique : le blé engendre le blé, l’homme engendre l’homme… De même,
les métaux ne peuvent être produits que par leur propre semence, et seul l’or
peut engendrer l’or.
Dolem pointa du doigt un quatrième vitrail. Un prêtre et
deux personnages couronnés se tenaient près d’une fontaine dans
laquelle coulait une eau claire, et le trio était surmonté du soleil et de la
lune.
— Le
Grand Œuvre consiste à rendre possible l’union du Soufre et du Mercure, principes
mâle et femelle. C’est le « Mariage philosophique », qui met en scène
un roi vêtu de rouge, le Soufre, et une reine habillée de blanc, le Mercure. La
fontaine où le couple loyal va se baigner symbolise la nécessité de purifier
les métaux avant d’en extraire les principes, l’or par la cémentation ou
l’antimoine, l’argent par la coupellation. L’alchimiste dissout ensuite ces
deux métaux au moyen du « Vitriol des Sages » pour en extraire le
Soufre et le Mercure. La Matière de l’Œuvre est alors enfermée dans un vase
dénommé « Œuf philosophique » ; là se réalise l’union charnelle
du roi et de la reine. Après ce mariage, la Matière prend le nom de Rebis,
c’est-à-dire « une chose double », incarnée par un corps humain à
deux têtes, une d’homme, une de femme, ou encore par un hermaphrodite.
L’attention de ses visiteurs fut attirée par un autre
vitrail, sur lequel un personnage pourvu de deux têtes semblait les fixer avec
insistance de ses quatre yeux.
— Rebis,
l’hermaphrodite chimique, à la fois homme et femme, fixe et volatil, Soufre et
Mercure, poursuivit Dolem, son pâle regard illuminé d’une lueur ardente. C’est
cette matière qui va devenir la pierre philosophale.
— Il
n’y a vraiment pas là de quoi s’exciter à ce point, marmonna Andrew entre ses
dents.
Dolem fit mine de ne pas l’avoir entendu.
— Le
Mariage des opposés a lieu pendant la cuisson de la Matière dans l’Œuf
philosophique. De cet Œuf, appelé aussi « chambre nuptiale », doit
sortir après incubation la pierre philosophale, l’« Enfant couronné et vêtu
de la pourpre royale » dont le roi et la reine sont les parents. Pour
cela, l’Œuf philosophique est chauffé selon certaines règles précises dans
l’athanor, sorte de fourneau à réverbère. Sitôt le feu allumé, le Grand Œuvre
proprement dit commence ; la matière prend alors diverses colorations…
Dolem désigna les vitraux qui tenaient lieu de mur à la
droite de ses visiteurs ; les ailes déployées, un corbeau, un cygne et un
phénix prenaient leur envol dans un tourbillon de couleurs éclatantes.
— La
couleur noire est la première à apparaître : c’est la phase de mort et de
putréfaction, qui peut être symbolisée par un corbeau, un cadavre ou encore un
squelette…
— Voilà
qui est gai,
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