Le Cercle du Phénix
qu’en Afrique du Sud ou au Soudan, lui
assuraient un revenu plus que confortable et lui permettaient par la même
occasion de conserver son indépendance.
Cassandra
se tourna vers Andrew, toujours plongé dans ses pensées.
— Comment
va Megan ? Voilà longtemps que je ne l’ai vue.
C’était un sujet miné,
elle le savait, mais du moins Andrew cesserait-il de se tracasser à son propos.
La réaction habituelle ne se fit pas attendre : les sourcils en émoi, il
leva les yeux au ciel en poussant des soupirs à Tendre l’âme.
— Je désespère
d’elle ! s’exclama-t-il d’un air tragique. Si je parviens à la marier, ce
sera un véritable miracle. En société, Megan est un désastre ambulant.
Elle dit toujours ce
qu’elle pense, et non ce que les gens attendent. Imagine l’impression qu’elle
peut produire !
— J’aurais tendance
à croire que la franchise est une vertu, remarqua Cassandra en observant son
ami par-dessus sa tasse.
— Bien
entendu. Par malheur, les célibataires de Londres et leur famille ne partagent
pas cet avis. C’est une qualité que les jeunes filles bien éduquées ne doivent
pas exhiber, pour leur propre bien. Pas avant d’avoir trouvé un époux en tout
cas.
Cassandra
reposa son thé. Depuis la mort de leur père, survenue neuf ans plus tôt, Andrew
élevait seul sa sœur cadette, tâche qui se révélait parfois écrasante.
Introduire une jeune fille dans la bonne société constituait en effet une
lourde responsabilité.
— Megan
ne fait rien pour me faciliter le travail, poursuivit Andrew d’un ton rageur.
Rappelle-toi lorsque je l’ai inscrite à des cours de maintien. La directrice de
l’établissement l’a renvoyée au bout de trois jours car elle ne cessait de
perturber les professeurs par ses ricanements incessants et ses remarques
sarcastiques !
Cassandra frémit en son
for intérieur : elle ne comprenait que trop bien la fronde de Megan.
Elle-même n’aurait jamais supporté d’endurer ce genre de fadaises destinées à
acquérir de bonnes manières ; apprendre à entrer et sortir d’une pièce
avec aisance et dignité, à monter dans une voiture et à en descendre comme il
convenait à une dame, ces seules idées lui donnaient la nausée.
— Megan est une
pitoyable maîtresse de maison, continuait Andrew d’un air affligé. Elle est
incapable de gérer le budget puisqu’elle abhorre les chiffres et que ses
compétences en mathématiques se bornent à savoir additionner deux plus deux. Et
elle n’est pas plus douée pour recruter les domestiques et leur imposer son
autorité. En résumé, c’est moi qui gère la maison à sa place… Les tâches
domestiques ne l’intéressent pas, elle préfère passer ses journées à lire et à
rêver. Jamais aucun homme doué de raison n’acceptera de l’épouser !
— Megan n’a que
dix-sept ans, elle a bien le temps de se marier, le réconforta Cassandra.
— Oui,
mais les années passent vite et son caractère ne va pas en s’améliorant,
crois-moi. Et puis, elle ne s’intéresse pas du tout à son apparence physique.
— Megan
est très jolie.
— Oui,
elle pourrait l’être si elle daignait apprendre à manier une brosse à
cheveux !
Cassandra ne put
réprimer un éclat de rire devant la mine déconfite de son ami. S’inquiéter pour
l’avenir de sa sœur était un des passe-temps favoris d’Andrew, et ses diatribes
déclamées d’un ton dramatique amusaient fort Cassandra, même si à l’évidence
cette réaction n’était guère charitable.
Andrew resta un instant
silencieux, puis changea brusquement de sujet.
— Et Lord Ashcroft,
quand doit-il arriver ? s’enquit-il avec une petite grimace.
— Samedi prochain.
Il doit sans doute déjà se trouver à Londres où il sacrifie à ses obligations
mondaines. La perspective de sa visite ne semble guère t’enchanter.
Andrew
ne répondit pas tout de suite. Lord Julian Ashcroft était indubitablement un
homme remarquable. Charismatique, brillant, généreux, pas snob pour un sou
malgré son titre de vicomte, il n’avait certes rien à lui reprocher. La vérité
était qu’à sa grande honte, il était terriblement jaloux de la profonde amitié
qui l’unissait à Cassandra. Celle-ci parut lire dans ses pensées.
— Julian
et moi sommes proches parce que nous nous ressemblons.
— Tu
n’as pas besoin de te justifier.
— Je
sais.
Nouveau
silence, lourd de sous-entendus cette
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