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Le Chant de l'épée

Le Chant de l'épée

Titel: Le Chant de l'épée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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répéta :
    — Tu seras roi.
    Et ce dernier mot semblait être du poison sur
sa langue.
    Ma peur s’envola, remplacée par une poussée d’orgueil
et de puissance. Je ne doutai pas du message de Bjorn, car les dieux ne parlent
pas à la légère et les fileuses connaissent notre destin. Nous autres Saxons
disons que Wyrd bid ful årœd, et même les chrétiens reconnaissent que c’est
la vérité. Ils nient peut-être l’existence des Nornes, mais ils savent que nul
n’échappe au destin. La destinée ne peut être changée, elle nous gouverne ;
nos vies sont tracées avant que nous les vivions et je devais devenir roi de
Mercie.
    Sur le moment, je ne pensai pas à Bebbanburg. C’est
pourtant ma terre, ma forteresse au bord de la mer du Nord, mon foyer. Je
croyais que toute ma vie était consacrée à la récupérer des griffes de mon
oncle qui me l’avait volée quand j’étais enfant. Je rêvais de Bebbanburg et de
ses rochers battus par l’écume, mais quand Bjorn parla je n’y pensai plus. Je
songeai à devenir roi. Régner sur une terre. Mener une grande armée pour
écraser mes ennemis.
    Et je pensai à Alfred, à mon devoir envers lui
et aux promesses que je lui avais faites. Je savais que je devrais briser mon
serment pour devenir roi, mais à qui prête-t-on serment ? Aux rois. Et
ainsi les rois ont-ils le pouvoir de libérer un homme de sa parole, et étant
roi je pouvais me libérer de la mienne. Je ne voyais que deux voies devant moi,
l’une dure et abrupte, l’autre large et verte et menant à un royaume.
    Puis, dans le silence, Haesten s’agenouilla
soudain devant moi.
    — Seigneur roi, dit-il avec une révérence
inattendue dans la voix.
    — Tu as rompu ton serment envers moi, lui
dis-je.
    Pourquoi prononçai-je alors ces paroles ?
J’aurais pu les dire plus tôt, au château, mais ce fut devant la tombe ouverte
que je l’accusai.
    — Oui, seigneur, et je le regrette.
    — Je te pardonne, dis-je.
    — Je te remercie, seigneur roi.
    Eilaf le Rouge s’agenouilla à son tour, suivi
de tous les autres hommes.
    — Je ne suis pas encore roi, répondis-je,
soudain honteux du ton princier dont j’avais fait usage avec Haesten.
    — Tu le seras, seigneur, les Nornes l’ont
décrété.
    — Qu’ont-elles dit d’autre ? demandai-je
au mort.
    — Que tu seras roi, répondit Bjorn, et
que tu seras le roi des autres rois. Tu seras le seigneur de la terre entre les
rivières et la plaie de tes ennemis. Tu seras roi.
    Il se tut soudain et se convulsa, puis les
spasmes cessèrent et il resta immobile, penché en avant, avant de s’affaisser
lentement sur la terre.
    — Ensevelissez-le, dit Haesten en se
levant.
    — Sa harpe, dis-je.
    — Je la lui apporterai demain, seigneur, assura-t-il
avant de désigner le château d’Eilaf. Il y a de la nourriture et de l’ale, seigneur
roi. Et une femme pour toi. Deux si tu le souhaites.
    — J’ai une épouse.
    — Alors il y a à manger, de l’ale et du
feu pour toi.
    Les autres ne bougeaient pas. Mes hommes me
dévisageaient, décontenancés par le message qu’ils avaient entendu, mais je ne
relevai pas. Roi des rois. Seigneur de la terre entre les rivières. Le roi
Uhtred.
    Je me retournai une seule fois et vis les deux
hommes creuser la tombe de Bjorn, puis je suivis Haesten dans le château et
pris le siège au centre de la table, le siège du seigneur.
    Je regardai ceux qui avaient assisté à l’apparition
du mort : ils étaient convaincus comme moi et mettraient leurs hommes au
service d’Haesten. La révolte contre Guthrum, qui devait s’étendre dans toute l’Anglie
et détruire le Wessex, était menée par un mort. Je me vis roi, à la tête d’armées.
    — Ton épouse est dane, m’a-t-on dit ?
demanda Haesten.
    — Oui.
    — Alors les Saxons de Mercie auront un
roi saxon et les Danes de Mercie une reine dane. Ils seront heureux les uns
comme les autres.
    Je le savais rusé et habile ; ce soir il
était prudemment soumis et montrait un respect sincère.
    — Que veux-tu, Haesten ?
    — Sigefrid et son frère, éluda-t-il, désirent
conquérir le Wessex.
    — Ce vieux rêve ! dis-je avec mépris.
    — Et pour cela, continua-t-il, nous
aurons besoin des hommes de Northumbrie. Ragnar viendra si tu le lui demandes.
    — Certes.
    — Et si Ragnar vient, d’autres suivront.
    Il rompit un pain et m’offrit la plus grosse
part. Au lieu de toucher au bol de ragoût posé devant moi, je me mis à

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