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Le Chant de l'épée

Le Chant de l'épée

Titel: Le Chant de l'épée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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des femmes plus éblouissantes que
le soleil et des armes qui pouvaient conquérir le monde. Et pourtant, les
Nornes m’ont maudit.
    — Tu vis, et tu es un homme libre.
    — Je suis ton homme lige, et je t’ai
prêté serment librement. Et toi, seigneur, tu es l’homme lige d’Alfred.
    — Oui.
    — As-tu été forcé de donner ta parole à
Alfred ?
    — Non.
    La pluie me cinglait le visage. Le ciel était
bas sur la terre noire.
    — Si nul n’échappe au destin, demanda-t-il,
pourquoi prêtons-nous serment ?
    — Si je romps mon serment envers Alfred, éludai-je,
rompras-tu le tien avec moi ?
    — Non, seigneur. Tu me manquerais. Mais
toi, Alfred ne te manquerait pas.
    — Non, avouai-je.
    Nous laissâmes la conversation mourir sous la
pluie et le vent, mais les paroles de Finan continuèrent de me travailler.
    Nous passâmes la
nuit auprès du grand reliquaire de saint Alban. Les Romains y avaient bâti une
ville, maintenant délabrée ; nous séjournâmes donc dans le château dane
qui se dressait à l’est. Notre hôte nous accueillit assez courtoisement, mais
il se montra prudent dans la conversation. Il avoua avoir appris que Sigefrid
avait posté des hommes dans la vieille ville de Lundene, mais il ne porta nul
jugement. Il arborait un marteau de Thor comme moi, mais un prêtre saxon
prononça les grâces à notre souper de pain, lard fumé et fèves. Le prêtre nous
rappela que nous étions en Estanglie, qui était officiellement chrétienne et en
paix avec ses voisins chrétiens ; cependant, notre hôte s’assura que la
porte de sa palissade était bien close, et des hommes en armes postés en
sentinelle toute la nuit. Il régnait sur cette terre le calme qui précède les
orages.
    La pluie cessa durant la nuit. Nous partîmes à
l’aube sur une terre glacée et immobile ; nous croisions de plus en plus
de monde sur la route. Des gens menaient à Lundene un maigre bétail épargné à l’automne
pour nourrir la ville durant l’hiver. Nous les dépassâmes, et les bouviers s’agenouillèrent
devant tant d’hommes en armes. Les nuages se levèrent à l’est, et quand nous
arrivâmes à Lundene à la mi-journée, le soleil brillait derrière l’épaisse fumée
qui voile toujours la ville.
    J’ai toujours aimé
Lundene. Cette ville où se mêlent ruines, débauche et commerce s’étend le long
de la rive nord de la Temse. Les ruines étaient les vestiges des Romains, dont
la vieille cité couronnait les collines à l’est, entourées d’un mur de brique
et de pierre. Les Saxons n’ayant jamais aimé les bâtiments romains, dont ils
redoutent les fantômes, ils avaient édifié à l’ouest leur propre ville de bois,
de chaume et de torchis, et sillonnée de ruelles où les caniveaux charriaient
les immondices en attendant qu’une averse les évacue. Cette ville saxonne était
très animée, remplie de la fumée des forges et des cris rauques des marchands. Inutile
d’édifier un mur de défense. Pour quoi faire ? disaient les Saxons, puisque
les Danes se contentaient d’habiter la vieille ville sans jamais montrer le
désir de massacrer ceux de la nouvelle… Il y avait bien eu quelques palissades
çà et là, mais ces rares initiatives n’avaient pas pris : soit elles
avaient pourri, soit on avait volé le bois pour bâtir des maisons le long de
ces ruelles puantes.
    Les marchandises arrivaient à Lundene par le
fleuve et par les routes venues de toute l’Anglie. C’étaient bien sûr des voies
romaines, qui charriaient laine, poterie, lingots et peaux, alors que le fleuve
amenait les denrées précieuses de l’étranger, les esclaves de Franquie et les
aventuriers avides. Ils étaient nombreux, car la ville, au carrefour de trois
royaumes, était pratiquement sans souverain à l’époque.
    À l’est de Lundene s’étendait l’Estanglie où
régnait Guthrum ; au sud, de l’autre côté de la Temse, le Wessex, tandis
qu’à l’ouest se situait la Mercie, à laquelle la ville appartenait en titre. Mais
la Mercie était une contrée affaiblie, sans roi, et il n’y avait nul bailli
pour maintenir l’ordre ni grand seigneur pour édicter les lois. Les hommes
déambulaient en armes, les femmes avaient des gardes du corps, et aux portes
étaient enchaînés de redoutables chiens. On trouvait des cadavres tous les
matins, sauf lorsque le jusant les entraînait en aval vers la mer, jusqu’à la
côte de Beamfleot où se trouvait le grand camp des Danes qui

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