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Le Chant de l'épée

Le Chant de l'épée

Titel: Le Chant de l'épée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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les
mains liées dans le dos. On les avait dépouillés de leurs capes, armes et
tuniques, et ils ne portaient que leurs chausses. Ils grelottaient dans l’air
glacé.
    La croix avait été faite de deux poutres de
bois grossièrement clouées, et enfoncée dans un trou. Elle penchait un peu. À
son pied attendaient de gros clous et une masse.
    — On voit la mort par la croix sur leurs
statues et leurs sculptures, m’expliqua Sigefrid, et aussi sur les amulettes qu’ils
portent, mais je n’ai jamais vu cela en vrai. Et toi ?
    — Non, avouai-je.
    — Et je ne comprends pas en quoi cela
peut tuer. Ce ne sont que trois clous ! J’ai souffert bien davantage dans
les batailles.
    — Moi de même.
    — Alors je me suis dit que j’allais
vérifier ! conclut-il en désignant du menton le prisonnier le plus proche.
Les deux gueux au bout sont des prêtres chrétiens. Nous allons en clouer un
là-dessus pour voir si Ironman meurt. Je parie dix pièces d’argent que cela ne
le tuera point.
    Je ne distinguais pas grand-chose des prêtres,
hormis que l’un avait une grosse bedaine. Il gardait la tête baissée, non parce
qu’il priait mais parce qu’on l’avait battu. Son dos et sa poitrine étaient
couverts de bleus et de sang, tout comme ses cheveux bouclés.
    — Qui sont-ils ? demandai-je à
Sigefrid.
    — Qui êtes-vous ? cria-t-il aux
prisonniers.
    Comme aucun ne répondait, il donna au premier
un coup de pied.
    — Réponds !
    L’homme leva la tête. Il avait au moins la
quarantaine, avec un visage creusé de rides où se lisait la résignation de ceux
qui savent la mort proche.
    — Je suis le comte Sihtric, dit-il, conseiller
du roi Æthelstan.
    — Guthrum ! hurla Sigefrid.
    Ce fut comme un cri de rage subite. Jusque-là
affable, il était devenu un démon. L’écume aux lèvres, il répéta le nom.
    — Guthrum ! Son nom est Guthrum, espèce
de bâtard ! (Il lui assena un coup de pied assez brutal pour briser une
côte.) Comment se nomme-t-il ? demanda-t-il.
    — Guthrum, répondit Sihtric.
    — Guthrum ! hurla Sigefrid en le
frappant de nouveau.
    Guthrum, une fois la paix conclue avec Alfred,
était devenu chrétien et s’était fait baptiser Æthelstan. Je l’appelais encore
Guthrum, tout comme Sigefrid qui était en train de piétiner l’homme. Erik ne
broncha pas devant la colère de son frère, mais au bout d’un moment il s’avança
et le prit par le bras.
    — Vermine ! cria Sigefrid au vieil
homme. Oser appeler Guthrum d’un nom chrétien ! m’expliqua-t-il. Guthrum
les a envoyés me demander de quitter Lundene. Mais ce n’est pas l’affaire de
Guthrum ! Lundene n’appartient pas à l’Estanglie, mais à la Mercie ! Au
roi Uhtred de Mercie !
    C’était la première fois que l’on m’appelait
officiellement ainsi, et cela me plut. Le roi Uhtred. Il se retourna vers
Sihtric, qui avait la bouche ensanglantée :
    — Quel était le message de Guthrum ?
    — Que la cité appartient à la Mercie et
que tu dois la quitter, répondit péniblement Sihtric.
    — Alors la Mercie peut me chasser, ricana
Sigefrid.
    — Sauf si le roi Uhtred nous permet de
rester, rétorqua Erik avec un sourire.
    Je ne répondis pas. Le titre était plaisant
mais étrange, comme un défi lancé aux fils tissés par les trois fileuses.
    — Alfred ne te permettra pas de rester, osa
déclarer l’un des autres prisonniers.
    — Qui se soucie de ce bâtard ? ricana
Sigefrid. Qu’il envoie son armée mourir ici !
    — C’est ta réponse, seigneur ? interrogea
humblement le prisonnier.
    — Ma réponse, ce seront vos têtes coupées,
dit Sigefrid.
    Je jetai alors un regard à Erik. C’était le
plus jeune, mais clairement celui qui réfléchissait.
    — Si nous négocions, expliqua-t-il, nous
donnerons à nos ennemis le temps de rassembler leurs armées. Mieux vaut les
défier.
    — Tu vas déclarer la guerre à Guthrum et
Alfred ? demandai-je.
    — Guthrum ne combattra point, dit Erik d’un
ton assuré. Il menace, mais ne se bat pas. Il vieillit, seigneur Uhtred, et il
préférerait savourer le peu de vie qui lui reste. Et si nous envoyions les
têtes coupées ? Je pense qu’il comprendrait que la sienne pourrait l’être
s’il nous ennuyait.
    — Et Alfred ? dis-je.
    — Il est prudent, dit Erik.
    — Oui.
    — Il nous proposera de l’argent pour
quitter la ville…
    — Probablement.
    — Et nous prendrons peut-être l’argent, mais
nous resterons

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