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Le Chant de l'épée

Le Chant de l'épée

Titel: Le Chant de l'épée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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leurs maisons et viendraient vivre ici. Ils
seraient protégés par les remparts ! Pourquoi n’en font-ils rien ?
    — Ils redoutent les fantômes, seigneur.
    — Et pas toi ?
    — Si, répondis-je après réflexion.
    — Mais tu demeures ici.
    — Nous nous attirons leurs bonnes grâces,
expliqua Gisela.
    Devant son regard surpris, elle déclara que
nous laissions des offrandes dans la cour.
    — Il serait mieux que nos prêtres
exorcisent les rues, dit Alfred. Prière et eau bénite chassent les fantômes !
    — Je peux aussi prendre trois cents
hommes qui brûleront la vieille ville. Ils n’auront d’autre choix que de s’établir
ici.
    Un petit sourire éclaira fugitivement son
visage.
    — Il est difficile de forcer l’obéissance,
dit-il, sans nourrir la rancune. Je songe parfois que je n’ai de véritable
autorité que sur ma famille, et je n’en suis même pas certain ! Si je te
lâche dans la nouvelle ville avec une épée et une lance, seigneur Uhtred, on te
haïra. Lundene doit obéir, aussi être un bastion de Saxons chrétiens ; et
s’ils nous détestent, ils accueilleront avec bienveillance le retour des Danes
qui les laissaient en paix. Nous devons les laisser en paix, mais ne leur
construis point de palissade. Qu’ils viennent ici de leur plein gré. Maintenant,
pardonne-moi, dit-il à Gisela, mais nous devons parler de choses plus sombres.
    Sur un signe d’Alfred, un garde ouvrit la
porte de la terrasse. Le père Beocca apparut, accompagné d’un prêtre au visage
renfrogné du nom d’Erkenwald. Il me détestait. Il avait naguère tenté de me
faire tuer en m’accusant de piraterie, ce qui était vrai, mais j’avais échappé
à ses griffes. Il me jeta un regard mauvais tandis que Beocca s’inclinait
solennellement.
    — Dis-moi, demanda Alfred, ce que font
maintenant Erik, Sigefrid et Haesten…
    — Ils sont à Beamfleot, seigneur, et
renforcent leur campement. Ils ont trente-deux navires et assez d’hommes pour
les équiper.
    — Tu as vu l’endroit ? questionna
Erkenwald.
    Les deux prêtres, je le savais, avaient été
mandés comme témoins de notre conversation. Alfred, toujours prudent, aimait à
avoir des traces écrites ou mémorisées de toutes les discussions de ce genre.
    — Non, répondis-je.
    — Tes espions, alors ? s’enquit
Alfred.
    — Oui, seigneur.
    — Les navires peuvent-ils être brûlés ?
demanda-t-il après réflexion.
    — Non. Ils sont dans une crique, seigneur.
    — Ils doivent être détruits ! Ils
ont pillé Contwaraburg !
    — Je l’ai appris, seigneur.
    — Ils ont incendié l’église, s’indigna-t-il,
et tout volé. Évangiles, croix et même reliques ! L’église possédait une
feuille du figuier que Notre Seigneur Jésus a touchée ! Je l’ai touchée
moi-même et en ai éprouvé la puissance. Et tout est aux mains des impies.
    On l’aurait cru près de pleurer. Je ne
répondis pas. Beocca avait commencé à écrire. Le père Erkenwald lui tenait l’encrier
d’un air dégoûté, comme si cette corvée était indigne de lui.
    — Trente-deux navires, dis-tu ? reprit
Beocca.
    — Aux dernières nouvelles.
    — On peut pénétrer dans les criques, remarqua
Alfred.
    — Celle de Beamfleot est sèche au jusant,
seigneur, expliquai-je, et pour atteindre les navires, il faut passer par le
camp, qui est sur une colline au-dessus. Aux dernières nouvelles, seigneur, un
navire est ancré en permanence en travers du chenal. Nous pourrions le détruire
et passer, mais il faudrait un millier d’hommes pour cela et tu en perdrais au
moins deux cents.
    — Un millier ? répéta-t-il, sceptique.
    — Sigefrid a deux mille hommes.
    — Il est en vie ?
    — Tout juste.
    Je l’avais appris d’Ulf, le marchand dane qui
aimait tant l’argent que je lui donnais. Sans nul doute en recevait-il aussi d’Haesten
et d’Erik pour les informer de mes faits et gestes à Lundene, mais cela valait
la peine.
    — Le frère Osferth l’a grièvement blessé,
ajoutai-je.
    — Osferth, répéta Alfred d’une voix sans
timbre.
    — Il a remporté la bataille, seigneur, répondis-je
sur le même ton. Ce qu’Osferth a fait était brave, seigneur. Il a sauté de fort
haut et attaqué un redoutable guerrier, et il a vécu. Sans lui, seigneur, Sigefrid
serait aujourd’hui à Lundene et moi dans mon tombeau.
    — Tu veux que je te le rende ?
    Ma réponse était bien sûr non, mais Beocca me fit
un signe imperceptible et je

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