Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Chant de l'épée

Le Chant de l'épée

Titel: Le Chant de l'épée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
Vom Netzwerk:
puis, avec deux servantes, la
récura et découvrit le marbre blanc ciselé de délicates femmes qui gambadaient
en jouant du luth. Gisela adorait ces sculptures. Elle les effleurait du doigt,
et elle et ses femmes tentèrent de copier leurs coiffures. Elle adorait la
maison et souffrait même la puanteur du fleuve pour s’asseoir sur la terrasse
le soir et contempler les eaux.
    — Il la bat, me dit-elle un soir. (Je
compris de qui elle parlait et ne répondis rien.) Elle a des bleus, elle est
grosse d’enfant et il la bat.
    — Elle est… ?
    — Æthelflæd attend un enfant.
    Presque tous les jours, Gisela allait au
palais voir Æthelflæd, qui n’avait pas le droit de nous rendre visite.
    Je fus surpris d’apprendre cette nouvelle. Sans
doute voyais-je encore Æthelflæd comme une enfant.
    — Et il la frappe ?
    — Parce qu’il croit qu’elle aime d’autres
hommes.
    — Est-ce vrai ?
    — Bien sûr que non, mais il le craint, dit-elle
en ramassant la laine qu’elle filait. Il croit qu’elle t’aime.
    Je repensai à la soudaine fureur d’Æthelred
sur le pont.
    — Il est fou.
    — Non, il est jaloux. Et je sais qu’il n’a
aucune raison de l’être. C’est une curieuse façon de montrer son amour, n’est-ce
pas ?
    Æthelflæd était arrivée à Lundene le lendemain
de sa prise. Elle avait remonté la rivière jusqu’à la ville saxonne, puis un
char à bœufs lui avait fait traverser la Fleot jusqu’au nouveau palais de son
époux. Sur la route, les hommes agitaient des rameaux et un prêtre devançait le
char suivi d’un chœur de jeunes filles couronnées de fleurs tout comme les
bœufs. Æthelflæd se cramponnait dans les chaos, mais elle m’avait adressé un
petit sourire au passage malgré son inconfort.
    Son arrivée avait été fêtée par un banquet au
palais. Je suis sûr qu’Æthelred ne voulait pas m’y convier ; mais mon rang
ne lui laissait pas le choix, et j’avais été invité à contrecœur peu avant la
fête. Le banquet n’avait rien d’exceptionnel, bien que l’ale coulât à flots. Une
dizaine de prêtres partageaient la haute table avec le couple et l’on me donna
un escabeau placé au bout. Æthelred me foudroyait du regard, les prêtres m’ignoraient ;
je partis tôt, prétextant une ronde à faire. Mon cousin m’avait paru pâle ce
soir-là, mais il sortait seulement de sa crise de vomissements. Je m’étais
enquis de sa santé, mais il avait balayé ma question comme de peu d’intérêt.
    Gisela et Æthelflæd devinrent amies à Lundene.
Je réparais les murs et Æthelred chassait pendant que ses hommes pillaient la
ville pour meubler son palais. Un jour, rentrant chez moi, j’en trouvai six
dans ma cour, dont Egbert.
    — Que voulez-vous ? leur demandai-je.
    Cinq portaient mailles et épées, et le sixième
un beau justaucorps brodé de chiens poursuivant un cerf ainsi qu’une chaîne, insigne
de son rang élevé. C’était Aldhelm, ami de mon cousin et commandant de sa garde.
    — Cela, répondit-il en désignant l’urne
nettoyée par Gisela et qui ne servait qu’à recueillir l’eau de pluie, propre et
savoureuse, chose rare en cette cité.
    — Deux cents chelins d’argent et elle est
tienne.
    Il ricana devant ce prix excessif. Les quatre
jeunes soldats avaient réussi à renverser l’urne et à la vider, et tentaient de
la redresser.
    — Je leur ai dit qu’ils pouvaient la
prendre, sourit Gisela en sortant de la maison.
    — Le seigneur Æthelred la désire, insista
Aldhelm.
    — Ton nom est seulement Aldhelm tout
court, répondis-je. Et moi je suis Uhtred, seigneur de Bebbanburg. Tu m’appelleras
donc « seigneur ».
    — Il n’en fera rien, dit suavement Gisela,
il m’a traitée de catin piaillante.
    Mes quatre hommes se campèrent derrière moi, la
main sur la garde de leur épée. Je leur fis signe de reculer et défis ma
ceinture.
    — Tu as traité mon épouse de catin ?
demandai-je à Aldhelm.
    — Mon seigneur exige cette sculpture, dit-il.
    — Tu feras des excuses à mon épouse, puis
à moi, dis-je en déposant ma ceinture et mes deux épées sur les dalles.
    — Laissez-la sur le flanc et faites-la
rouler, dit-il à ses hommes en me tournant le dos.
    — Je t’ai demandé deux excuses, dis-je.
    Il dut entendre la menace, car il se retourna,
inquiet.
    — Cette maison, expliqua-t-il, appartient
au seigneur Æ thelred. Tu n’y habites
qu’avec sa gracieuse permission. (Il s’inquiéta plus

Weitere Kostenlose Bücher