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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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ne partage pas.
    Il blêmit, mais ce n'était cette fois pas du fait de sa blessure.
    — Dois-je entendre que vous ne m'aimez pas ?
    — Ni vous ni Philibert de Montoison, je vous le répète. Je l'ai cru, innocemment. Je me trompais. Oubliez-moi, cela vaut mieux, avoua Philippine d'une voix blanche, devant ses mâchoires soudain crispées.
    Il referma son poing sur le drap, y emprisonnant son orgueil blessé.
    — Vous me demandez l'impossible.
    — Je prierai pour que vous y parveniez.
    Il la couvrit d'un œil douloureux.
    — Êtes-vous prête, ma cousine ?
    Sidonie venait d'entrer dans la pièce.
    — À vous et à jamais, quoi que vous fassiez, chuchota Laurent de Beaumont en guise d'adieu avant de tourner son visage de l'autre côté.
    Philippine n'insista pas. En quelques pas, elle rejoignit Sidonie qui l'attendait.
    — Notre ami est-il réveillé ?
    — Non point, mentit Philippine.
    — Tant pis. Sœur Albrante lui transmettra nos vœux de bon rétablissement…
    Sidonie lui enroula un bras autour des épaules.
    — Je viens d'embrasser vos sœurs, qui sont bien tristes de votre départ et s'en verraient adoucies si vous les voyiez.
    — Mais l'abbesse ? Ma punition ? s'étonna Philippine, en se laissant pourtant entraîner.
    — N'y songez plus désormais, c'est une affaire réglée.
    Elles sortirent de l'hospice et Philippine se trouva frappée par la chaleur. Elle l'avait oubliée, enfermée à son devoir dans la bâtisse gardée fraîche par l'épaisseur des murs autant que par l'étroitesse des fenêtres. Elle traversa la cour, revigorée soudain par les senteurs des aromates en leur carré, et gagna le dortoir où les filles de Jacques les attendaient.
    Ces dernières se précipitèrent vers leur sœur. Philippine les enlaça tour à tour, heureuse de pouvoir leur faire ses recommandations. Quelques minutes d'un reste de son passé, avant qu'elle ne les quitte. Elle leur promit de les visiter souvent, et de leur écrire tout autant. Ensuite de quoi, alors que les cloches sonnaient pour annoncer le déjeuner, elle les encouragea à s'y rendre au plus vite.
    Lorsqu'elles furent sorties, Philippine rejoignit Sidonie qui s'était mise en retrait.
    — J'aimerais aller saluer l'abbesse.
    Sidonie acquiesça d'un mouvement de tête. Le voile de tristesse que Philippine découvrit dans l'œil de sa cousine la surprit. Quelle qu'en fût la cause, Sidonie le chassa d'un sourire affectueux :
    — Ma litière vous attend devant la herse. Prenez le temps qu'il vous faudra.
     
    L'abbesse se tenait roide et les mains croisées dans le dos, l'œil balayant la cour depuis la croisée de la chambre de Jeanne de Commiers, l'épouse officiellement défunte du baron Jacques, lorsqu'on toqua à la porte. Elle ne bougea pas.
    — On a frappé, madame, l'interpella Jeanne, comme on insistait.
    — J'ai entendu.
    — Voulez-vous que j'aille ouvrir ?
    L'abbesse soupira, quitta son poste et s'en fut écarter le battant devant la servante qu'elle avait devinée derrière.
    — C'est Philippine, madame, elle avait espéré vous voir avant de partir, chuchota la converse.
    — Dites-lui que vous ne m'avez pas trouvée… C'est un ordre, ajouta l'abbesse, voyant que la servante dansait d'un pied sur l'autre, cherchant des arguments pour l'infléchir.
    Elle repartit l'œil triste.
    — C'est un joli nom, Philippine, qui est-elle ? demanda Jeanne.
    L'abbesse arrêta son pas devant elle.
    — Cela ne vous évoque rien ?
    Jeanne arrondit sa bouche délicate, fouilla dans le néant de son esprit puis demanda, comme un enfant pris en faute :
    — Cela devrait ?
    — Non, la rassura douloureusement la moniale en retournant se planter devant la croisée.
    Elle vit la jouvencelle qui sondait depuis la cour les fenêtres de son bureau, le visage défait par sa fin de non-recevoir. Dans son dos, Jeanne insista :
    — Pourquoi part-elle ?
    — Pour convoler, répondit distraitement l'abbesse, qui suivait à présent le pas lourd de Philippine vers le mur d'enceinte.
    Sœur Albrante l'y attendait. Elles le passèrent ensemble, disparaissant à sa vue.
    — Êtes-vous triste ?
    — On est toujours triste lorsque les gens qu'on aime nous quittent.
    Il y eut un long silence pendant lequel l'abbesse vit la voiture traverser l'enceinte au pas lent des chevaux, encadrée par une solide escorte.
    Le temps désormais n'était plus aux regrets.
    L'abbesse vieillissait. Elle avait espéré que Philippine aurait

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