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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Philippine.
    — Pardonne-moi, dit-elle, attendrie. Il est vrai que tu ignores encore toutes ces choses. L'abbesse me flagellerait pour avoir osé te les laisser entendre. Il faudra bien pourtant que tu les apprennes, car je ne veux pas que tu souffres comme j'ai souffert. Je ne laisserai personne te salir, t'humilier pour aussi peu de chose qu'un orgueil bafoué. Séduire n'est pas un crime, Hélène. C'est un devoir. Seul l'amour devrait conduire aux épousailles. L'amour, pas l'intérêt.
    — Mais comment le reconnaître ?
    — C'est lui qui te reconnaît, mon Hélène. C'est lui et lui seul. C'est pourquoi je t'enseignerai ses pièges, ses travers, ses menaces. Pour qu'il ne puisse te duper. Je le ferai en mémoire de ta mère.
    — Et mon père ? L'aimiez-vous avant qu'elle ne meure ?
    — Au premier regard et sans espoir. Jamais je ne le lui aurais avoué s'il n'avait insisté. Longtemps je me suis sentie coupable de le prendre à cette dame qui m'avait tant donné.
    — Vous n'êtes pas responsable. C'est elle qui s'en est allée.
    Sidonie la couvrit d'un œil triste avant de conclure :
    — C'est ce que j'ai fini par accepter. Pour donner un sens à sa mémoire, être auprès de lui comme elle l'aurait été si elle l'avait pu encore. Et me souvenir d'elle dans l'affection qu'elle vous portait. Car vois-tu, mon Hélène, il n'est à mon sens rien de pire que d'avoir oublié les gens qu'on a aimés.
    Longtemps Philippine se berça du silence qui suivit ces paroles. Les yeux refermés sur un songe auquel la jouvencelle n'avait pas accès, Sidonie laissa la route s'étirer. Puis son timbre léger s'envola de nouveau :
    — Nous ferons un détour par la Bâtie avant de gagner Sassenage. J'ai pensé que tu aurais à cœur de revoir toi aussi la décoration de ta chambre avant que les travaux ne commencent. Elle était celle d'une enfant quand te voici une femme. Ton père ne songera pas à nous le reprocher. De plus, ta sœur Claudine ne part que demain chez sa marraine où elle séjournera jusqu'à ce que tout soit achevé. Tu pourras ainsi l'embrasser.
    — Comme elle a dû changer, se réjouit aussitôt Philippine. C'était un enfançon la dernière fois que je l'ai vue !
    — Elle est ce jourd'hui, du haut de ses sept ans, plus vive qu'une anguille, plus facétieuse qu'un lutin et plus ronde qu'une citrouille ! Elle donne beaucoup de peine à sa nourrice. Ne t'en offusque pas, mais ta jeune sœur m'appelle maman. Je n'ai pas eu le cœur de la reprendre tant je m'y suis attachée.
    — Vous avez bien fait ! Un lutin, dites-vous ?
    — Attends donc d'être arrivée, se lamenta Sidonie en levant comiquement les yeux au plafond.
    Philippine se retrouva happée par ses souvenirs. La dernière fois qu'elle avait emprunté cette route, c'était en sens inverse, avec ses sœurs, quelques semaines à peine après la mort de leur mère.
    Cinq années.
    Le paysage qui se découpait par le rideau relevé ne lui sembla pas différent. Elle seule avait changé. Un léger ronflement lui parvint. Elle tourna la tête vers Sidonie. Sur la banquette de cuir brun, sa cousine s'était assoupie, la joue brinquebalant contre le montant rembourré. Un léger sourire échappa à Philippine. D'autres auraient semblé négligées dans pareille posture. Pas Sidonie. Cette grâce dont s'entourait chacun de ses gestes l'auréolait encore dans le sommeil. Philippine sentit monter en elle une bouffée de tendresse. Elle se sentait mieux, plus sereine.
    À mesure que la voiture avalait les lieues la séparant de la Bâtie, elle se détachait de l'abbaye, de sœur Albrante, des duellistes comme de ses cadettes. Ses épaules s'allégeaient du fardeau de sa culpabilité. Sa conversation avec Sidonie l'y avait aidée. Ses confidences aussi. Même si elle s'était sentie gênée par ses propos alors qu'elle en ignorait le sens. Les ébats amoureux avaient, à ses yeux trop chastes, la forme d'un point d'interrogation. Elle se promit de questionner Sidonie, certaine désormais qu'elle y verrait une curiosité légitime, bien loin de l'esprit de dépravation que l'abbesse leur prêtait à toutes deux.
    Le courant d'air qui s'engouffra dans l'habitacle charriait les parfums de l'humus des bois que la voiture longeait et lui fouetta le sang. La vie reprenait corps en elle. Lorsqu'elle reconnut le village de Saint-Laurent-en-Royans qu'ils venaient de dépasser, elle ne put résister au plaisir de pencher son visage à la fenêtre

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