Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
laisserait plutôt cracher sur votre tombe à l'heure du Jugement dernier !
    — Comment… comment avez-vous su? bredouilla l'abbesse, le souffle court malgré la douleur qui s'estompait.
    Sidonie la toisa d'un mépris cinglant :
    — Je vous l'ai dit, j'étais là. Pourquoi ai-je levé les yeux quand tous les gardaient baissés, je l'ignore, mais je l'ai reconnue qui assistait depuis la fenêtre étroite de sa prison à ses propres funérailles, impavide, le regard absent. Ce fut fugace, car sœur Albrante a paru derrière elle pour l'écarter, mais suffisant pour que je comprenne.
    — Si vous n'avez agi, vous êtes aussi coupable que moi, la brava l'abbesse, qui reprenait quelque assurance en même temps que des couleurs.
    Elle se versa un gobelet d'eau qu'elle avala à petites gorgées.
    — Coupable ? Loin s'en faut ! Complice tout au plus, mais il faudrait le prouver. Jeanne de Commiers, épouse de Jacques de Sassenage, est morte au regard des hommes, et le baron libre de se remarier. Le reste m'indiffère, car à l'inverse de ce que vous pensez j'aime sincèrement Jacques et le rends plus heureux qu'il ne le serait de votre vérité. Votre tête est au prix de mon mariage et de la réhabilitation de Philippine. Ne me donnez pas le plaisir de la faire tomber.
    L'abbesse se savait vaincue. Sidonie l'écœurait. Que pouvait-elle comprendre des raisons qui avaient motivé leur geste, avec Albrante ? Il n'avait été qu'amour et compassion pour la mère de Philippine, dont le cerveau trop longtemps mal irrigué était redevenu celui d'une enfant à qui il avait fallu tout réapprendre, y compris à parler. Que pouvait savoir cette intrigante du temps qu'elle passait chaque jour auprès de Jeanne, comme s'il s'était agi de sa propre fille ?
    Elle planta son regard dans celui de Sidonie qu'elle voyait exulter et lâcha, avec toute la morgue qui lui restait :
    — Faites ce que vous voudrez de Philippine et même du baron, Sidonie de La Tour-Sassenage, mais une fois quittée cette abbaye, n'y revenez jamais !
    Sidonie se dirigea, hautaine, vers la porte.
    — Vous avez encore la garde de ses deux autres filles, ma mère, et il est hors de question que je cesse de les visiter. Mais je vous promets de ne pas vous voir si vous ne vous montrez.
    Sans un au revoir, elle appuya sur la clenche.
     

10
    Philippine ne parvenait plus à entasser dans sa malle les potions et les onguents que lui tendait sœur Albrante. Au point que ses maigres affaires ne se voyaient plus.
    — Et celui-ci pour les engelures, et celui-là encore pour fortifier le teint, car tu es restée pâlotte de ne pas voir le soleil. Prends garde qu'il ne te brûle. Mets une voilette pour te protéger, et une coiffe, et…
    Sœur Albrante s'immobilisa, un regain d'émotion aux paupières, face au sourire attendri de la jouvencelle qui lui faisait face, les mains chargées du trop-plein.
    — Je sais, je sais, je radote, je redoute, mais que veux-tu, je ne peux m'empêcher de me languir déjà de toi. Cinq années. Cinq années, mon Hélène. Comment veux-tu que je les efface en cinq minutes ? glapit-elle, un sanglot étouffé dans la voix.
    — Nous nous reverrons, ma sœur. Je viendrai avec mon père visiter mes sœurs. L'abbesse ne pourra l'empêcher dès lors que je ne dépendrai plus de son ministère.
    — C'est vrai, vois comme je suis idiote, s'excusa Albrante.
    Elle se délesta des deux petits pots de terre cuite, les ajoutant à ceux qui encombraient déjà la jouvencelle.
    — Prends tout de même ceux-là.
    Elle lui tapota la joue puis la pinça pour en faire rosir les pommettes.
    — Et puis cesse de te tourner les sens. Je l'ai bien vu, tu sais, que tu te tourmentais de m'assister. Il est vrai que Philibert de Montoison est peu ragoûtant dans cet état et Laurent de Beaumont, trop entreprenant. Tu oublieras très vite leurs misères, tu verras. Sidonie n'est pas un modèle de vertu, certes, et il te faudra protéger la tienne à son contact, mais elle amènera de la légèreté sur ta peine et, bon an mal an, les jours passeront et…
    De nouveau sa bouche se tordit. Une larme jaillit qu'elle essuya de sa manche.
    — Je sais, je sais, répéta-t-elle, je ne suis qu'une sotte, j'ai trop de sentiments. Tu t'éloigneras de nous, c'est dans l'ordre des choses, et je serai heureuse d'apprendre tes épousailles, et la naissance de tes enfants, et…
    — Nous n'en sommes pas là, coupa Philippine, reprise avec dégoût par

Weitere Kostenlose Bücher