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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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douté qu'elle était si défaite quelques heures plus tôt. Craignant de se trahir à trop la fixer, Francine baissa les yeux par-delà son plateau et s'en vint le poser sur la petite table où, avant son accouchement, la jouvencelle prenait ses repas. Sans mot dire. Comme à son habitude. Eût-elle voulu parler en vérité qu'elle en aurait été incapable tant l'apparente guérison d'Algonde la laissait sans voix.
    — À dater de demain je n'aurai plus besoin de tes services…
    Le cœur de Francine manqua un battement. Celui d'Algonde s'accéléra. Elle ajouta, perfide :
    — … pour mes repas ici bien entendu. Comme tu peux le voir, je suis complètement remise par la grâce de ma mère ici présente qui, venue tout expressément de Sassenage, a eu la bonne idée de demander à la sorcière du village un fortifiant.
    Francine le sentit. Algonde savait. Il n'existe pas de contrepoison, lui avait assuré messire Louis, autre que l'arrêt des doses. Il serait furieux contre elle. Elle avait pourtant fait de son mieux, jusque dans son lit. Son poignet accusa un tremblement tandis qu'elle dressait le couvert. Une fraction de seconde. Elle se reprit et lui fit face :
    — Il est heureux pour la petite que vous soyez guérie.
    L'évocation d'Elora emporta Algonde. D'un bond presque inhumain eu égard à la distance qui les séparait, elle fondit sur elle sous le regard surpris de Gersende plantée devant la croisée, près d'un des quatre candélabres sur pied dont les chandelles allumées avaient pris le relais du jour déclinant. Les doigts d'Algonde se refermèrent sur la gorge de Francine.
    — Vous… Vous… m'étranglez… s'étouffa-t-elle en tentant vainement de se dégager.
    La tenaille était trop forte et la haine d'Algonde si décuplée qu'elle la relevait presque du sol.
    — Donne-moi une bonne raison pour l'empêcher…
    — Suffit, Algonde.
    C'était la voix, comminatoire bien que posée, de Gersende. Le visage bleui, Francine suffoquait.
    Algonde la jeta à terre comme une vulgaire poupée dont on a assez joué. Alors seulement, elle prit conscience de son geste. De la puissance qui, en elle, avait commandé. Qui la lui avait donnée ? Le pouvoir bénéfique des Anciens ou celui, maléfique de Marthe ? Car à cet instant, à voir la terreur dans les yeux de Francine qui, se massant la glotte, toussait pour reprendre son souffle, elle pouvait en douter. Elle refusa pourtant d'en perdre l'avantage. Elle approcha d'un pas. S'accrochant des ongles sur le tapis qui avait amorti sa chute, Francine recula. Algonde s'immobilisa.
    — Je ne t'ai jamais voulu de mal, Francine. Jamais. Que ta jalousie t'ait poussée à ma perte, je peux le concevoir, mais que ce faisant tu aies mis en péril mon enfant, c'est un crime que je ne veux pas tolérer.
    La servante ne chercha pas à nier. La peur lui nouait trop le ventre devant la transformation de cette femme qu'elle s'était plu ouvertement à mépriser, la croyant incapable de se rebiffer. Elle rampa encore en direction de la porte, cherchant son salut dans la fuite.
    Algonde ne bougea pas. Certaine qu'il lui suffirait d'un souffle pour la balayer. Elle contint sa rage. Elle ne voulait pas tuer. Elle en avait envie, oui, jusqu'au tréfonds de son être, mais elle ne le voulait pas. D'où que vienne cette force nouvelle en elle, c'était pour dominer sa destinée qu'elle lui avait été donnée. Elle s'apaisa. Inspirer la crainte suffisait.
    — Tu sais ce jourd'hui pourquoi les privilèges que tu me reproches m'ont été accordés. Je veux croire qu'à l'avenir tu éviteras de les contester.
    Francine s'aida du loquet pour se redresser, le souffle toujours court. Incapable de répondre, incapable de concevoir la clémence dont elle était l'objet, elle releva la clenche, fébrile, le ventre aussi noué que la gorge.
    — Tu diras à tes véritables maîtres qu'il en faut plus pour m'abattre et que ma vengeance sera terrible s'il leur prenait l'envie comme à toi de recommencer ! la couvrit la voix menaçante d'Algonde au moment où, la porte ouverte enfin, elle franchissait le seuil, libérée.
    Chancelante et toussotant encore, elle chercha l'appui du mur pour accompagner sa marche. S'éloigner, pensait-elle. Le plus loin possible de cet endroit où le diable avait élu domicile. Comme s'il n'y avait pas assez de Marthe dont toutes les petites gens savaient la noirceur et les crimes. C'en était trop pour elle. Elle ne voulait pas finir le corps

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