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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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et que du coup, le malheureux avait refusé qu'il s'approche encore des cuisines. Lui si gourmand, le Seigneur tout-puissant ne l'avait pas épargné. Tant qu'il resterait à la Bâtie, fini les fumets à s'en pourlécher les babines.
    — Je suis bien puni, en vérité. Oui bien puni, déjà, assura-t-il en se mordant les joues de chaque côté.
    Mathieu referma la porte et lissa du plat de la main ses cheveux courts coupé au carré au-dessus des épaules.
    — Je suis prêt, annonça-t-il, contredisant cette voix en lui-même qui l'assurait de l'inverse à présent que l'alcool avait cessé d'agir.
    En vérité, il ne savait toujours pas quoi décider. Qui l'emporterait de l'amour ou de la vengeance à l'instant de se retrouver devant elle ? Devant elles. La simple vue de Philippine, vitupérante, lui donnait envie de frapper. À cause sans doute de ce ton qu'elle avait employé quelques minutes plus tôt pour lui signifier qu'il n'était pas question pour lui de se dérober à présent qu'Elora était née. De quoi se mêlait-elle ? N'avaient-ils pas assez manigancé elle et son père pour le séparer d'Algonde ? Certes, elle s'en était excusée. Mais trop vite, trop mal, trop tout et avant de l'exhorter au mariage. Mathieu en avait son content d'être pris, jeté, souffleté, grondé. S'il n'avait eu si mal à la tête, il lui aurait dit tout cela au lieu de se taire et d'acquiescer, et même, oui même, au risque de finir sous le fouet, il lui aurait vidé le restant d'eau du baquet sur la tête pour l'empêcher d'agonir ce pauvre Janisse qui n'avait cherché qu'à lui changer les idées.
    Au lieu de quoi, les bras ballants au milieu des tabourets et des bancs renversés, de la vaisselle brisée et du sol détrempé, et malgré cette vilaine cicatrice à l'œil qu'il refusait de cacher, il avait l'air d'un petit garçon qui n'attend qu'une chose, c'est qu'on le prenne par la main et le mène là où il doit aller.
    *
    Immense dans un ciel constellé d'étoiles, la lune ronde semblait à présent accrochée au sommet de la tour massive du nuraghe en contrebas de la pinnettu. Sous le masque criard des oiseaux de nuit, les esprits des géants la priaient, avait solennellement affirmé Catarina avant d'ajouter qu'il fallait en toute hâte ramener les autres à l'abri de ses murs sous peine de voir leur âme s'envoler.
    Elles étaient redescendues toutes trois les chercher, le chien sur leurs talons, et se trouvaient à présent au pied de la tour nuraghe près du tombeau des Géants.
    — La charrette ne risque rien. Aucun vivant ne s'aventure la nuit en ces lieux, assura-t-elle à Enguerrand tandis que le plus jeune des enfançons, réveillé par sa mère, s'accrochait au cou de celle-ci en refermant les yeux. Mounia, déjà avait pris les mains des deux qui suivaient en âge. Éreintés de fatigue, ils titubaient.
    — Sauf votre respect, Catarina, je n'ai pas fait tant de chemin en veillant sur ces tonnelets pour les abandonner en pleine lande. Montez, les enfants, le temps que je les attache au baudet, décida Enguerrand en se portant au-devant de l'animal, nerveux depuis quelques minutes. Sentait-il cette menace invisible dont la gardienne de chèvres venait de lui parler ou n'était-ce que le manège du chien passant du jappement au chuintement qui l'agaçait ? Quoi qu'il en soit, Enguerrand n'était pas homme à se laisser impressionner.
    Catarina jeta un œil alentour, renifla l'air chargé des parfums de thym et de bruyère, avant d'allonger son pas.
    — Ne tardez pas, dit-elle simplement, habituée à ce qu'on refuse de la croire.
    Sur le sentier déjà, Mounia et Lina traînaient leurs fardeau, précédées des aînés. Enguerrand se retrouva seul. Réprimant un frisson qu'amena un souffle plus frais, il dégagea des flancs de l'animal les barres d'attelage de la charrette, les guida pour que l'arrière touche au sol sans rien verser puis y mena le mulet. Il racla du sabot la terre noire, les oreilles basses, le souffle court.
    — Allons mon beau, un peu de patience, ce ne sera pas long, l'encouragea-t-il avant de nouer le licol à la barre transversale du chariot pour l'empêcher de s'éloigner.
     
    À peine le seuil de la pinnettu franchi, Mounia perçut autour d'elle le souffle de magie dont s'entourait la chevrière. Elle s'apaisa instantanément et s'activa à coucher les enfants, sur une couverture à même le sol de terre battue, l'un contre l'autre, dans la petitesse de l'espace que

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