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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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se rompre le cou. Elle était bouleversée. « Je les entends. Ils ne ricanent pas, non. Ils souffrent. Seigneur, qu'ils souffrent ! » Quelques toises encore.
    Devant elle, épuisé, Enguerrand ahanait, tournant et retournant sur lui-même, tranchant l'air du fil de son épée. C'est à la faveur d'une pirouette pour découdre cette frange glacée qui caressait ses épaules, qu'il la vit fondre sur lui. À ce moment-là seulement il eut peur. Pour elle. S'oubliant lui-même, il s'élança pour la protéger.
    « Leur parler. Je dois leur parler. C'est cela qu'ils veulent. Qu'on leur parle, qu'on les écoute. » Elle en était arrivée à cette évidence lorsque corps contre corps ils se retrouvèrent et s'enlacèrent avec au-dessus d'eux un cercle dément d'esprits qui tournoyaient.
    Dans un regard échangé il comprit tout de cet amour absolu qu'elle lui portait.
    — C'est inutile, hoqueta-t-elle contre son souffle. C'est inutile.
    Il desserra les doigts. L'épée chuta sur les pierres, rebondit avant de s'immobiliser. Alors, défiant les ombres, il l'embrassa à perdre haleine pour qu'elle ne voie pas la Camarde les emporter.
    *
    Son désarroi fut de courte durée. Juste un sanglot incontrôlé, que les visages des siens tuèrent dans sa gorge.
    — Pauvre petiote, faut-il qu'il soit sot ! C'est pas faute pourtant de l'avoir préparé, se lamenta Janisse en lui pressant les mains.
    Cela suffit à Algonde pour qu'elle se reprenne.
    — Ça ira mon bon Janisse. Ça ira, assura-t-elle en reniflant.
    — Il fallait s'y attendre. Foi de Dieu, qu'on le retrouve et je le ferai bastonner ! grinça Philippine en tapant du pied, colère.
    Par ce geste, ce faquin venait de bafouer son autorité et cette fois elle était bien décidée à l'en châtier.
    Devinant la pression dont elle avait dû charger les épaules du panetier, Algonde la foudroya du regard.
    — En ce cas, j'espère qu'on ne le trouvera jamais !
    — Mais enfin…
    — Enfin, rien du tout ! N'avais-je pas demandé qu'on le laisse tranquille ?
    Philippine haussa la voix, les sourcils froncés, le menton levé, vexée de son ton devant les autres.
    — Ce n'est pas une raison pour te traiter ainsi ! Et moi de même ! Je te rappelle que moi seule ai autorité sur vous dans cette maisonnée !
    Elora ayant fini sa tétée, Algonde s'en dégagea dans les bras de Gersende, restée sur la réserve.
    — Couche-la, veux-tu ?
    Gersende hocha la tête. Un regard échangé leur avait suffi à toutes deux pour que les mots soient inutiles. Janisse, ennuyé de la tournure des événements, s'était relevé et prudemment écarté en dansant d'un pied sur l'autre. Si par malheur la colère de Philippine s'envenimait, elle pourrait bien révéler sa beuverie et il risquait tout autant de subir les foudres de Gersende. Mieux valait donc ne pas broncher. Il s'effaça vers le berceau auprès duquel s'affairait Gersende. Algonde se dressa à son tour et fit face à Philippine, l'air mauvais.
    — Je vous le demande, damoiselle Hélène. Voulez-vous cette fois me rendre à l'homme que j'aime ou me garder à jamais ?
    Surprise par la prestance et l'autorité qui se dégageaient de sa chambrière, la damoiselle de Sassenage se tassa dans le faudesteuil et ses mains sur les accoudoirs se mirent à trembler.
    — Je te demande pardon, maugréa-t-elle. Je t'assure que cette fois je voulais…
    Algonde n'avait pas envie d'en entendre davantage. Elle tourna les talons et se dirigea d'un pas ferme vers la porte.
    — Où vas-tu ? s'étrangla Philippine, coupable.
    — Prendre l'air. Il y a des jours que je suis enfermée.
    Refoulant en elle l'envie de l'accompagner, Philippine ne bougea pas, un frisson de crainte au creux des reins que la morgue d'Algonde venait d'éveiller. Était-ce dû à cet élixir que Gersende lui avait fait avaler ? Bien qu'elle ne pût l'expliquer, elle en était certaine : Algonde avait changé.
    *
    Mounia n'était que souffrance. De la leur. Elle sentait partout en elle comme des aiguilles de feu, la lente agonie qui avait préfacé leur fin stupide. La plaine n'était que sang. Ils avaient combattu avec acharnement. Contre qui ? Tant d'étrangers étaient venus en conquérants sur cette terre. Avaient-ils été ces nuraghi, ces Géants du peuple de la mer dont Lina parlait avec respect, ou d'autres encore, plus anciens ? Elle n'aurait su le dire, mais elle leur répondait dans la langue des pharaons, inutilisée depuis les

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