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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2
Autoren: Mireille Calmel
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pas un garçonnet s'avancer jusqu'à lui et ne le découvrit qu'en se sentant tiré par la manche de son gilet.
    — Pour toi, articula péniblement celui-ci en langue franque où pointait un fort accent, avant de lui tendre un billet.
    Surpris et préférant vérifier qu'il n'y avait pas d'erreur sur la personne, Enguerrand coula un regard de biais vers l'aubergiste. L'homme, un Grec ventru dont les bajoues tombaient jusqu'au milieu du cou, hocha la tête en guise d'assentiment. Enguerrand glissa un peu de monnaie dans la main du garçon qui fila sans attendre de réponse. Resté seul au milieu de la multitude, le chevalier de Sassenage déroula discrètement le message.
     
    «Rejoignez-moi au douzième coup de minuit à la poterne sud du couvent de la Madeleine. Vous seul pouvez m'aider. »
     
    Pas de signature, mais l'écriture raffinée et parfumée ne lui laissa aucun doute sur l'identité de son expéditrice. Enguerrand se renseigna à voix basse sur l'itinéraire à emprunter auprès de la fille qui arrivait pour lui servir sa soupe, avant de baisser le nez sur son écuelle et de guetter, fébrilement, l'heure de son rendez-vous.
     
    L'abbaye se trouvait à la limite nord-est de la citadelle et jouxtait le quartier de l'Ordre. Enveloppé dans un mantel qui le fondait aux oliviers centenaires, Enguerrand se dissimula derrière l'un d'eux, à proximité de la porte basse et cintrée taillée dans le mur. Au-dessus de lui, à intervalles irréguliers, des étoiles filantes zébraient d'un trait lumineux une nuée poudreuse et scintillante. Jamais ciel ne lui avait semblé plus dense, attente plus excitante. La porte s'entrebâilla quelques secondes après que le dernier coup de minuit eut sonné. Une ombre furtive s'en détacha. Il la rejoignit. Mounia.
    — Me sauveriez-vous encore, chevalier ? demanda-t-elle sans préambule en lui pressant les mains.
    — Sans hésiter. Mais de quoi ? de qui ? Les Turcs sont loin désormais.
    — Je les crains bien moins que ce porc d'Hugues de Luirieux.
    Il tiqua.
    — Vous aurait-il ?…
    — À plusieurs reprises durant la traversée. C'était, affirmait-il, le prix à payer en échange de ma vie.
    Enguerrand serra les poings de colère.
    — L'ignoble. Si je le tenais…
    — Pour l'heure, c'est moi qu'il tient, chevalier. Il a pris goût à ces choses auxquelles il m'a contrainte. Il est venu me visiter hier pour m'apprendre qu'il comptait m'épouser afin de continuer à en jouir en toute impunité.
    — Avez-vous bien compris ? Il est moine et je doute qu'il le puisse.
    — Hélas, chevalier. Il semble qu'un problème de succession l'autorise à quitter les ordres. Voyez, j'en tremble.
    Elle lui tendit ses doigts pour mieux en juger. Troublé par la blancheur laiteuse de sa peau, il trompa son penchant et bredouilla :
    — Est-ce donc si terrible ?
    Elle leva vers lui de grands yeux éplorés avant de relever sa manche. La clarté des étoiles était suffisante pour que la chair noircie d'une brûlure lui soit révélée.
    Enguerrand déglutit.
    — Est-ce à dire…
    — Il est fou, messire. Mon corps tout entier porte les stigmates de sa perversion. Il me bâillonne pour m'empêcher de hurler, m'attache pour s'y complaire.
    — Pourquoi ne pas vous en plaindre aux moniales ? Pierre d'Aubusson serait prévenu.
    Elle ricana.
    — Je l'ai fait. On m'a laissé le choix. Le couvent ou le mariage. Dans les deux cas, pourtant, Hugues de Luirieux fait ce qui lui plaît. Ces marques en sont la preuve. Hier, j'ai refusé de devenir son épouse après le baptême. Personne n'est intervenu tandis qu'il tenait mon bras au-dessus de la flamme d'un cierge. Mieux, on m'a répliqué qu'il fallait admettre tous les châtiments pour me guérir à jamais de la religion musulmane. Seule une novice a eu pitié de mes larmes ce matin. Elle s'est faite ma complice pour vous alerter. C'est elle aussi qui m'a ouvert cette porte. Je vous en supplie, messire, aidez-moi !
    — Comment ? Je n'ai aucun pouvoir ici, quand il en a visiblement davantage que je l'imaginais.
    — Épousez-moi avant lui.
    Il prit la joue tendue vers lui dans la paume de sa main. Tant d'espoir dans ces larmes. Tant de douleur aussi. Le cœur d'Enguerrand se serra.
    — Je crains que ce ne soit si facile. Il a sans doute pris les devants.
    — Emmenez-moi alors, je serai votre esclave dévouée, je le jure.
    — Croyez-vous qu'on nous laisserait embarquer ? Jusqu'à votre baptême, c'est à
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