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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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retournait. Comme pour lui donner raison, elle haussa les épaules.
    — Mon père est un haut dignitaire mamelouk, proche du sultan Keït bey. Les fils de Djem, tout comme sa mère et sa première femme, sont sous sa protection au Caire. Bayezid espérait peut-être parvenir à les atteindre à travers moi. Leur mort aurait sans doute attristé profondément Djem, sans compter qu'il aurait pensé que Keït bey lui-même l'avait trahi.
    — C'est possible, en effet. Mais en ce cas, votre baptême et votre mariage même devenaient un obstacle à ses projets, car je doute que votre père ouvre encore ses bras à une chrétienne.
    — Mon père est peut-être plus tolérant que vous ne l'imaginez, Enguerrand, murmura-t-elle en tournant vers lui de grands yeux tendres.
    Il détourna les siens, rattrapé brutalement par cette évidence. Respecter la promesse qu'il avait donnée à d'Aubusson perdait Mounia au regard de sa famille. Devenue chrétienne, que ferait-elle de sa liberté ? Ne risquait-elle pas de finir dans quelque bouge comme d'autres ? Putain ou esclave. La destinée de ces femmes rachetées par les hospitaliers lui apparut soudain dans sa monstruosité. Il comprenait pourquoi d'Aubusson avait donné sa bénédiction pour ce mariage. Et si, finalement, malgré ses travers immondes, Hugues de Luirieux l'avait aimée ? Assez pour lui donner un nom et un statut, et la sauver d'une vie plus sordide encore. N'avait-il pas tout gâché, lui, Enguerrand de Sassenage, avec ses grands principes ?
    Pour rajouter encore à son sentiment de culpabilité, Mounia huma l'air du large avant de soupirer tristement.
    — Oubliez tout cela, Enguerrand, et laissez-moi goûter ce sursis que vous m'avez donné.
    Il sursauta.
    — Pourquoi parler de sursis ?
    Elle planta ses grands yeux dans les siens.
    — Que croyez-vous donc, chevalier ? Deux hommes veulent ma mort. Un chrétien. Un Turc. Quel que soit le Dieu que je prie, tôt ou tard ils me retrouveront et me tueront. Tel sera mon destin. Vous ne serez pas toujours là pour me sauver.
    Il ne sut que répondre tant il était troublé. En silence, l'un près de l'autre, ils perdirent leurs pensées dans l'immensité.
     
    Leur navire devant décharger une partie de sa cargaison, ils débarquèrent à Naples sous un ciel couleur de sang. Prisonnier de la funeste prédiction, et dans l'espoir de brouiller les pistes, Enguerrand s'embarqua de nouveau avec Mounia sous l'allure de deux moines le 20 janvier. Quatre jours plus tard, ils posaient le pied en Sardaigne. Dans leur course éperdue contre la fatalité, ils avaient eu de la chance. Aucun des navires marchands qui les avaient pris n'avait été la proie de pirates.
    Il ne restait plus à Enguerrand qu'à tenir la promesse faite à Pierre d'Aubusson. Mais l'idée d'abandonner Mounia à elle-même lui coûtait de jour en jour davantage. D'autant que, malgré la domination espagnole, les habitants de la Sardaigne continuaient de privilégier des dialectes auxquels ils ne comprenaient rien. L'un et l'autre évitaient donc d'aborder le sujet et ils s'attardaient plus que de raison dans la petite auberge du port de Corallo où Enguerrand avait loué deux chambres. Retrouver la terre ferme et par là même une certaine sécurité avait glissé entre eux une gêne dont leurs conversations et leurs promenades dans la ville se ressentaient. La nuit du 2 février, Enguerrand ne put dormir, torturé par des pensées contradictoires. Au petit jour, n'y tenant plus, il toqua à sa porte.
    — Qui va là? demanda-t-elle au bout de plusieurs minutes.
    — C'est moi. Enguerrand.
    Le temps de passer un châle sur son vêtement de nuit et Mounia lui ouvrit, l'œil embrumé de sommeil dans lequel perçait un soupçon d'angoisse.
    — Puis-je entrer ?
    Elle s'effaça, inquiétée par son allure fébrile.
    Il se tourna vers elle, debout dans la lueur de la chandelle qu'elle avait allumée, s'attendrit de ses pieds nus qui dépassaient sous la pelisse, prit une profonde inspiration puis se lança, comme on se noie.
    — Je veux que vous soyez libre de choisir votre destin, Mounia. Si vous souhaitez rester musulmane, dès les beaux jours je vous escorterai en Égypte pour que vous y retrouviez les vôtres et je reprendrai ma route. Sinon, je vous accompagnerai demain dans un couvent sous la tutelle espagnole pour que vous puissiez y préparer votre baptême.
    — C'est une preuve de plus de votre générosité, Enguerrand, mais que

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