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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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moi. Des petites gens sans importance que personne ne voit.
    — Si c'est ce que tu veux, alors tu as ma parole Algonde. Que je brûle en enfer si je m'en dédis.
    Algonde se tourna de côté pour l'attirer dans ses bras. Leurs visages se frôlèrent, puis leurs bouches, tendrement, avant de s'unir à en perdre le souffle.

7
    Depuis six mois, les événements se bousculaient dans la vie du jeune chevalier Enguerrand de Sassenage.
    Sur le vaisseau qui, d'Aigues-Mortes, l'avait mené vers Rhodes, et en accord avec le lieutenant Hugues de Luirieux, il s'était discrètement attaché à la protection d'une Égyptienne, condamnée à mort pour haute trahison par le prince Djem. De fait, l'assassin, invisible au milieu des autres janissaires, n'avait pas trouvé l'occasion d'agir, Mounia sortant peu de la cabine que lui avait abandonnée le capitaine. La nuit, sa porte était bouclée de l'intérieur par deux tours de clef et des meubles poussés contre elle. Quiconque eût réussi à forcer la serrure s'y serait heurté. De plus, prétextant le manque de place, tout autant que son caractère taciturne et solitaire, Enguerrand avait jeté une paillasse sous l'échelle qui, proche de là, montait au pont supérieur. Il y dormait d'un sommeil suffisamment léger pour tressauter à la moindre approche. Tout cela avait dû décourager les initiatives. Bien qu'émaillée des premières tempêtes de l'automne, la traversée s'était étirée, deux mois durant, sans incident majeur, tant le pavillon à damier blanc et rouge forçait le respect.
    Le 12 novembre 1483, en milieu d'après-midi, la vigie avait annoncé l'île de Rhodes à bâbord. Jusque-là, Enguerrand s'était bien gardé de s'acoquiner avec quiconque, Turc ou Franc. Quant à la belle, il lui adressait des saluts de la tête, lorsqu'elle paraissait et qu'il se trouvait sur son chemin, pas davantage. En retour, Mounia le toisait d'une morne indifférence destinée à donner le change à ses ennemis. Là-dessus, Hugues de Luirieux avait insisté : le prince Djem devait à tout prix ignorer que Guy de Blanchefort avait repris sa parole de laisser agir le meurtrier en toute impunité. Le grand prieur d'Auvergne ne l'avait pas fait de bon cœur, mais parce que Mounia avait demandé le baptême. Dès lors, il ne pouvait la livrer sans être en opposition avec les commandements de Dieu. Enguerrand était arrivé à point nommé pour sauver Hugues de Luirieux de cette impasse diplomatique.
    Le jeune chevalier de Sassenage en était heureux. Lorsque la nostalgie le reprenait d'Algonde qu'il avait abandonnée une nouvelle fois à Mathieu à la veille de leurs épousailles, et de Philippine qui eût pu, avec sa dot et son nom, légitimer son existence de bâtard, il songeait à la douceur du regard ocré de Mounia. Il se grisait de la beauté envoûtante de la dame, de son parfum légèrement musqué, de l'ébène de ses cheveux, s'inventant mille raisons de veiller sur elle, autres que celle qu'on lui avait invoquée. Il eût aimé savoir pourquoi elle avait trahi son époux, en quelles circonstances, et tout à la fois lui trouvait les meilleurs arguments du monde, juste parce qu'il n'avait, pour l'heure, d'autre but à son existence que de les prétendre légitimes. Lors, le souvenir de Sassenage s'émoussait dans le cœur douloureux d'Enguerrand, face à la perspective d'un chevaleresque avenir.
    À quelques encablures de l'île de Rhodes, surnommée la Gardienne des mers, il avait compris que l'assassin n'aurait plus d'autre occasion d'agir. Hugues de Luirieux se tenait à la proue avec ses compagnons, occupés à suivre les manœuvres d'une galère battant pavillon génois. Se croyant désormais en sécurité, Mounia était sortie et, négligeant toute prudence, s'était approchée du bastingage pour admirer les ébats d'une bande de dauphins qui accompagnaient le travers du vaisseau. Assis sur un cordage, adossé contre un mât, Enguerrand s'était placé de manière à englober du regard à la fois le groupe des janissaires occupés à jouer aux dés, et à l'opposé la jouvencelle, la tête penchée par-dessus bord. Il eût suffi d'un rien pour qu'elle bascule. Attirer son attention aurait trahi sa surveillance. Le cœur battant du risque qu'il prenait à attendre, Enguerrand s'était concentré sur les turbans. L'un d'eux se détacha soudain du groupe, avec une telle souplesse qu'Enguerrand se dressa sur ses pieds. L'homme rampait au milieu des cordages. Agile et

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