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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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d'un destin hors du commun ? Il déglutit.
    — Et cette carte…
    — Mènera celui qui pourra la déchiffrer à un nouveau monde. Il sera ma dot, Enguerrand, si tes pas marchent dans les miens et si tu m'aimes autant que je veux t'aimer, affirma-t-elle avant de l'embrasser.

9
    Trois jours durant, la France plia sous le poids d'impressionnantes bourrasques. Du nord au sud, d'ouest en est, le vent charriait pluie, neige et grêlons gros comme des œufs de pigeon. Le littoral lui-même semblait se déchiqueter sous les assauts vengeurs des lames déchaînées et l'on eût pu croire que le Très-Haut lui-même voulait par cette violence se venger de quelque affront.
    Dans le Dauphiné, lorsque tout s'arrêta, un silence plombé enveloppa les villes et les villages. Hommes et bêtes s'étaient pareillement terrés, et si bien que seule la nature semblait en avoir réchappé. Un soleil timide franchit la barre des nuages bas et quelques pas s'aventurèrent sur la neige. La vie reprit ses droits. On s'étira devant les portes, les mains sur les reins, en cillant pour se réapproprier la lumière. Les enfants, hardis, couverts jusqu'aux yeux, se glissèrent sur l'immensité blanche pour goûter la neige. Les adultes en remplirent des seaux avant qu'elle ne soit souillée, pour éviter de tirer l'eau du puits. L'hiver s'était installé. De telle manière que rien ni personne ne pouvait plus quitter son logis sans s'enfoncer à hauteur de genoux. On déblaya le devant des portes et l'on se mit à vivre au ralenti et à économiser autant que possible les réserves de nourriture et de bois, en priant plus que d'ordinaire pour que Dieu veuille bien, dans sa grande clémence, donner aux petites gens la force de tenir jusqu'au printemps.
     
    À La Bâtie en Royans, Philippine de Sassenage, chaussée de bottines fourrées et recouverte d'un mantel d'hermine, franchit la première le seuil de la porte qui ouvrait sur les jardins. À ses côtés, son frère Louis lui donnait le poing pour l'aider à descendre les marches tandis que la petite Claudine tempêtait d'impatience derrière elle, la main dans celle d'Algonde. Se pressant jusque dans l'entrée, la foule compacte des courtisans, ne vivant plus que du souffle de la jeune femme, tempérait son impatience de quelques caresses furtives que la promiscuité leur autorisait.
    — C'est majestueux, décréta Philippine.
    — Je veux voir ! Je veux voir ! hurla Claudine en se tortillant.
    — Un peu de patience, damoiselle ! la gronda Algonde.
    Mais la fillette se débattit tant qu'elle lui échappa. Avant que quiconque eût pu intervenir, elle passait la tête entre les jambes de son frère, manquant le renverser.
    — A moi, à moi, cria-t-elle en riant à gorge déployée.
    Algonde voulut la retenir, tout comme Louis, mais l'on poussait derrière, excité par l'acclamation de Philippine. La jeune baronne voulait être la première à descendre les marches déblayées, à se gorger du spectacle des arbres pleurant de givre sur leurs branches nues, des feuillus arqués sous leur blanc manteau, des sculptures difformes que les buissons ciselaient et, jusqu'à perte de vue, de cette parure qui étincelait comme un diamant gigantesque sous un franc soleil.
    Refusant à sa sœur son privilège, Claudine se faufila entre elle et Louis pour dévaler l'escalier en courant, ses petites mains relevant à peine ses jupons et le bas de sa pelisse. Son rire cascada au rythme de sa course telle une eau vive.
    — Prenez garde à ne pas glis…
    Le reste de la phrase mourut sur les lèvres de Louis. Sous le talon de la fillette, une plaque de verglas venait de la faucher. Elle s'envola sous le regard des siens et retomba dans un bruit sourd, la nuque sur l'arête de la dernière marche. Philippine hurla en portant les mains à ses lèvres. Louis se précipita. Il s'agenouilla près du petit corps immobile avant de le soulever dans ses bras, le visage barré d'une profonde tristesse. Philippine chancela. Algonde passa la main autour de ses épaules.
    Le seigneur de Melle qui, près d'Algonde, avait suivi la scène refoula vers l'arrière le flot des courtisans dont le rire continuait de rouler comme une mer docile. La porte se referma dans le dos d'Algonde et de Philippine, les isolant tous quatre dans un linceul blanc souillé à présent d'une fleur de sang.
     
    Au même instant, le ventre de Sidonie se déchirait sous les dernières contractions. Le front couvert de sueur, les

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