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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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ferais-je de ma liberté sans vous ? murmura-t-elle d'une voix morte.
    Il sursauta, rattrapé par la même évidence. Il s'approcha d'elle et lui releva le menton de son poing pour mieux fouiller ses prunelles. Leur douceur fervente le décida enfin.
    — Accepterais-tu de m'épouser ?
    Elle se jeta à son cou en riant.
     
    Quelques heures plus tard, sur la recommandation que lui avait donnée Pierre d'Aubusson, il la laissait aux bons soins d'une communauté de religieuses et cherchait un logement décent à louer. Mounia suivit sa catéchèse avec tant d'application qu'une semaine plus tard elle était baptisée.
    Ce 14 février de l'an de grâce 1484, il venait de l'épouser dans la chapelle de l'abbaye, et reposait à présent à ses côtés sur le lit défait de l'auberge où il l'avait ramenée. Un vent léger en provenance de la baie ouverte sur la ville soulevait par moments le rideau qui les isolait de sa multitude. Le balcon de pierre lissé à la chaux, par-delà la terrasse, les protégeait d'une quelconque indiscrétion. Des parfums d'embruns chatouillaient leurs narines. Les rires des enfants qui jouaient dans la rue en contrebas leur parvenaient mâtinés d'aboiements, de cris d'oiseaux, de conversations tronquées au rythme des passants, et de ce cliquetis des drisses dans le port, tout proche, qui les avait nourris de longs mois durant.
    Enguerrand était heureux. Mounia se recroquevilla pour nicher sa tête dans l'arrondi de son épaule. D'une main alourdie par le relâchement que lui avait offert la jouissance, le chevalier caressa ses cheveux qui, dénoués, couraient jusqu'à ses reins tel un manteau de nuit.
    — Il y a certaines choses que je t'ai cachées, Enguerrand.
    — C'est sans importance, murmura-t-il en glissant ses doigts au travers de leur soie pour caresser la peau, douce et ambrée.
    — Comme je te l'ai dit, mon père est un haut dignitaire mamelouk. C'est lui que Djem a rencontré lorsqu'il est venu quérir l'aide du sultan Keït bey pour lever une armée contre Bayezid. J'ai servi de traité d'alliance entre eux.
    — Oublie tout cela. Tu es ma femme à présent.
    Mais Mounia n'avait plus envie de se taire. Tous ces mois durant, son secret l'avait étouffée, sans qu'elle soit sûre de pouvoir un jour le partager. Ce jourd'hui, bercée de confiance et d'amour, elle se sentait prête à l'offrir, certaine que son père se serait rangé à son idée. Elle prit une profonde inspiration et lâcha dans un souffle libérateur :
    — Djem m'a bafouée. En ne m'honorant pas comme il l'aurait dû et en me livrant comme une putain à un des hospitaliers pour couvrir sa fuite. C'est pour cela que je l'ai trahi. Mais pas seulement. En réalité, mon père m'avait demandé d'agir à la première occasion, dès que j'aurais récupéré quelque chose d'une valeur inestimable que le prince Djem détenait.
    Les doigts d'Enguerrand s'immobilisèrent sur la courbe d'une arabesque qu'il dessinait dans le creux du cou de Mounia.
    — Pourquoi ne le lui a-t-il pas acheté ou subtilisé lorsque Djem était au Caire ?
    — Parce qu'il n'a appris l'existence de cette fiole que le jour du départ de Djem pour Rhodes, et tout à fait par hasard.
    — Une fiole?
    — De verre bleu sertie d'une dentelle de fils d'argent.
    Enguerrand se raidit. Il pouvait sentir sous ses doigts les battements désordonnés à la jugulaire de son épouse. Il attendit, rattrapé par le souvenir d'Hugues de Luirieux et son insistance à l'épouser. Cela avait-il un lien ?
    Mounia se redressa et planta son regard mordoré dans le sien, suspicieux. Elle le couvrit de sa tendresse. Oui, son père serait fier de l'homme qu'elle s'était choisi.
    — Tout ce que tu as fait pour moi l'a été sans malice, dicté par la noblesse de ton cœur et loin de tes propres intérêts. Il est temps que je t'en récompense. Ce que contient ce flacon est sans importance bien que son élixir confère à qui en boit une vigueur étonnante. Sa véritable valeur, Djem l'ignore en vérité. Elle réside tout entière dans le tissage de ces fils d'argent. Ils sont une clef. La clef pour lire une carte autrefois détenue dans la grande bibliothèque d'Alexandrie et que mon père a découverte il y a quelques années.
    Le cœur d'Enguerrand s'accéléra dans sa poitrine. Cette ferveur dans la voix de son épouse, cette étincelle dans ses yeux, comme une promesse. N'était-ce pas ce qu'il avait cherché depuis toujours ? Ce sentiment

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