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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Même si sa fille s'était résignée depuis longtemps face aux liens qui unissaient Mathieu et Algonde, elle soupirait toujours pour le jouvenceau. Solidaire, Cunégonde ne cessait de le houspiller, lui, Jeannot, chaque jour depuis qu'Algonde avait quitté la place pour qu'il favorise leur rapprochement. S'il ne saisissait pas l'occasion, sa femme le lui reprocherait jusqu'à en avoir la langue desséchée. Il tapota amicalement l'épaule de Mathieu, lequel ne parvenait à s'extraire du contact de la lame sous ses doigts.
    — Veux-tu l'emporter ?
    Mathieu sursauta. Le voulait-il ? La question elle-même était un non-sens. Il n'était rentré que pour cela. Pour se réapproprier ce fil, s'en armer jusqu'à ce qu'il devienne le prolongement de son poignet gauche. Et tuer. Tuer le baron Jacques. Pourtant, résolument, il replia le drap. L'heure n'était pas venue. La saison ne se prêtait ni aux exercices ni aux voyages. Il voulait juste s'assurer que sa vengeance, obsédante, l'attendait là. Il recula d'un pas.
    — Mon père s'en retournerait les sens. Plus tard peut-être.
    — Comme tu voudras, se désola Jeannot.
    Il pivota vers Fanette.
    — Pose donc cet ouvrage et va brandeler dehors, tu es pâle comme un linge à rester enfermée. Rends-moi donc service, Mathieu, prends un peu de ton temps pour l'y contraindre.
    — Père, ne vois-tu pas qu'il a d'autres corvées ? se rembrunit Fanette, gênée par leurs manigances.
    — À dire vrai, mon frère se débrouille bien mieux que moi au fournil. Si tu veux m'accompagner, Fanette…
    Le visage de la jouvencelle s'éclaira devant le sourire engageant de Mathieu. Tempérant son bonheur, elle posa son ouvrage et se leva.
    — Le temps d'enfiler une pelisse…
    Elle se glissa sous la courtine que son père avait soulevée tantôt pour aller chercher l'épée et disparut derrière.
    — Accompagne-moi. J'aimerais te parler, d'homme à homme, l'invita Jeannot en le prenant aux épaules.
    Se refusant un dernier regard sur la lame qu'il abandonnait, Mathieu se laissa entraîner à côté, en retrait de l'animation et du bruit de la forge. Jeannot se planta devant lui, embarrassé.
    — Ces choses-là ne me regardent pas, mon garçon, mais on ne rompt pas des fiançailles sans une bonne raison. Quelle qu'elle soit, elle te regarde. Je veux seulement que tu saches que je ne serais pas contre si tu voulais te consoler avec la Fanette. Elle est vaillante et sérieuse. Et puis surtout, elle ne se tourne pas les sangs devant une arme, si tu vois ce que je veux dire…
    Mathieu voyait parfaitement. Rien n'avait échappé au forgeron qui les connaissait bien, lui et Algonde. Il hocha la tête.
    — J'ai besoin de temps, Jeannot, mais je vous promets d'y réfléchir, vraiment.
    — Rien ne presse, va, mais je serais content si je savais ma fille protégée par ton bras, ici ou ailleurs.
    Fanette parut et ils se turent. Elle s'avança vers eux, l'œil brillant.
    — Vrai, Mathieu ? Ça ne te dérange pas ?
    D'autorité, il l'entraîna par le bras.
    — Cesse donc de dire des sottises. Sommes-nous trop vieux, tu crois, pour glisser sur des rameaux de pin comme autrefois ?
    Fanette pouffa.
    — Je le crains. On chavirerait plus d'une fois.
    — Et quand bien même. Tu sais encore courir ! Viens, ça nous réchauffera !
    Ils sortirent sous un plein soleil et Mathieu, refusant la douleur en sa poitrine du souvenir d'Algonde, s'obligea à rire comme si elle était encore là.
    *
    La première chose que demanda Sidonie en ouvrant les yeux le lendemain matin, ce fut de voir son fils. Trop épuisée et fiévreuse jusque-là, elle s'était abrutie de sommeil. Le nourrisson était bien plus gros que ses précédents enfants et l'avait tant écartelée et déchirée au passage qu'elle en gardait ce matin le bas-ventre intensément douloureux. Elle se sentait mieux pourtant et tandis que la nourrice se penchait sur le berceau pour prendre l'enfançon dans ses bras, elle se redressa contre les oreillers.
    — Je vais aller prévenir Jacques que vous êtes éveillée, lui servit Marthe avec une douceur dans la voix qui la mit mal à l'aise.
    Sidonie n'eut pas le temps de s'en inquiéter davantage. Réveillé, l'enfançon s'était mis à pleurer et elle lui ouvrit ses bras.
     
    Jacques de Sassenage priait au chevet de Claudine, entouré de ses fils. La nuit durant, ils avaient veillé le petit corps que la Camarde avait rigidifié. Jamais elle n'avait semblé aussi

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