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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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du couloir.
    Ils en tournèrent l'angle et disparurent à la vue de la Harpie. Elle haussa les épaules devant leur inutile précipitation et retourna auprès de Sidonie, bien décidée à suivre les recommandations du baron. Sidonie devait vivre. C'était une nécessité pour elle qui ne pourrait, sinon, demeurer à proximité d'Algonde, d'Hélène et du prince turc. Si la fièvre ne tombait pas d'elle-même en fin de journée, elle agirait.
    *
    Mathieu racla du talon devant le donjon pour affirmer son empreinte sur le verglas. L'image, un instant, le rattrapa d'Algonde, qui, les hivers précédents, le guettait pour lui jeter la première boule de neige. Il regarda avec envie deux enfançons se bombarder sur un monticule, avant de détourner la tête, un pincement au cœur. Pourquoi revenir en arrière ? Se torturer plus encore ? Il allongea son pas dans la cour du château et pénétra dans l'échoppe du forgeron.
    Ce dernier lui tournait le dos. Arc-bouté au-dessus d'un seau d'eau, il y refroidissait une barre de fer.
    — Holà le Jeannot !
    L'homme se redressa dans un nuage de vapeur.
    — Te voilà bien matinal, mon drôle !
    Tandis que Mathieu franchissait la distance qui les séparait, l'homme vérifia d'un œil expert la torsion de son barreau, puis le remisa sur une plaque pour le laisser refroidir avant de poser ses pinces puis ses gants.
    — Je suis venu voir si vous l'aviez toujours. Le braquemart. S'il n'avait pas été vendu, débita Mathieu sans préambule, nerveux.
    Le forgeron hocha la tête. Le jouvenceau ayant été introuvable de longs mois durant, la lame, forgée en cadeau de ses noces annulées, lui était restée.
    — Suis-moi…
    Mathieu lui emboîta le pas, contourna le soufflet de la forge qu'actionnaient les fils du Jeannot, aussi épais de poitrine que le forgeron l'était lui-même, et passa derrière une tenture de cuir qui séparait l'atelier de leur maison. L'intérieur sommaire en était gardé propret par dame Cunégonde, une matrone au visage ingrat mais d'une belle générosité, et sa fille, Fanette. Ces dernières, justement, achevaient dans un bel ensemble de recoudre des braies.
    — Bonjour Mathieu, l'accueillit la voix chantante de la jouvencelle.
    Compagne de nombre de leurs jeux du temps où Enguerrand était encore au château, elle était légèrement plus âgée qu'Algonde et bien moins jolie. Ces derniers temps pourtant, elle avait troqué sa frimousse garçonne contre un ovale gracieux qui lui donnait, à défaut de beauté, un charme délicat. Mathieu lui renvoya son sourire.
    — Belle journée à vous, dame Cunégonde, se fendit-il devant cette dernière.
    — Si tu viens pour l'ouvrage que ton père m'a commandé, il te faudra repasser mon garçon, j'y travaille en ce moment même.
    — Non pas, prenez votre temps.
    Le forgeron, qui avait disparu derrière une autre tenture, s'en revenait déjà, la courte et large épée à la main qu'il tenait enroulée dans plusieurs épaisseurs de toile. Le regard de Cunégonde, chargé de reproche, s'envola vers son époux, mais celui-ci ne sembla pas y prêter attention, tout entier à son fardeau. Mathieu se rapprocha de la table, le cœur bondissant dans sa poitrine. Tout à la fois pourtant, tant de monde le gênait dans sa démarche. Il eût préféré être seul pour goûter de nouveau la sensation si particulière de la pesée, de la prise en main. Chassant ce regret, il reporta son attention sur les doigts agiles qui dénouaient les cordes autour du tissu, posé à même le plateau de bois.
    Jeannot en écarta les pans et la lame scintilla dans le rayon de soleil qui traversait les carreaux de la fenêtre.
    — Elle est forgée du même acier que celle d'Enguerrand, crut bon de rappeler l'homme avec fierté.
    Le jouvenceau passa l'index de sa main gauche sur l'arestuel, là où deux cœurs s'enlaçaient.
    — A-t-elle un nom ? demanda-t-il.
    — C'est une coutume qui s'est perdue, mon garçon, mais libre à toi de lui en trouver un si tu le désires.
    Mathieu sursauta, le cœur battant dans sa poitrine.
    — Est-ce à dire… ?
    Qu'elle t'appartient ? Ma foi, tu finiras bien par convoler un jour, non ? se mit à rire le forgeron.
    — Jeannot ! le tança sèchement son épouse.
    Il se tourna vers elle.
    — Alors quoi ? On ne peut plus se réjouir de voir son travail apprécié, dans cette maison ?
    Il se renfrogna devant le regard de biais que lui jeta Cunégonde en direction de Fanette.

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