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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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frémissement. Des larmes passèrent la frange de ses longs cils. Impossible. Sa fille ne pouvait pas avoir trépassé. Repoussant avec détermination le tabouret, Algonde se dressa sur ses pieds. Elle devait ranimer en son corps le pouvoir de guérison de l'élixir des Anciens. Il avait tué le mal déjà en l'œuf ; en l'enfant qu'elle portait. Oui, sa fille était forcément immunisée. Elle fit quelques pas dans la chambre. Le lit tout proche, au ciel fleuri de roses en bouton que la courtepointe reprenait, semblait un refuge mais elle refusa de s'y étendre. Elle avait besoin d'air frais. Elle s'approcha de la fenêtre pour l'ouvrir. La tête lui tourna. Elle vacilla et chercha l'appui d'une table pour se reprendre. C'est alors qu'elle sentit un liquide chaud et épais descendre le long de ses cuisses. Elle baissa la tête et reculant d'un pas souleva ses jupes avant de s'effondrer, terrassée de terreur : c'était d'un sang noir que la vie en elle s'échappait.
    *
    Philippine la trouva qui y baignait, livide, quelques longues minutes plus tard, alors que remontant de son souper raccompagnée de ses frères, elle était rassurée sur son sort par le regard de connivence que lui avait offert Sidonie dans l'escalier. Elle avait hâte d'annoncer à Algonde que ses manigances avaient réussi. Sa joie s'éteignit dans un hurlement d'effroi. Elle repassa aussitôt la porte en courant pour quérir de l'aide.
    Ce fut François, le plus jeune des Sassenage, qui, charitablement, souleva Algonde dans ses bras pour l'aliter tandis que Francine était chargée d'aller quérir la ventrière.
    À peine François se fut-il éclipsé qu'Algonde recouvra ses esprits dans un cri de douleur. Elle se cabra dans les draps, prise par une contraction fulgurante. Elle ouvrit les yeux et croisa ceux terrorisés de Philippine penchée au-dessus d'elle. Leurs mains se nouèrent spontanément. Un nouveau spasme écartela Algonde, tuant sur ses lèvres son envie soudaine d'accuser Marthe.
    — Aide-moi, demanda-t-elle dès qu'il fut passé.
    — À quoi, grand Dieu ? tressaillit Philippine en la voyant prendre appui sur elle pour se redresser.
    Algonde ne répondit pas. Elle était guidée soudain par une volonté au-delà de la sienne. Quelque chose qui avait réveillé son ventre mort et la pressait d'agir.
    — Lever… dicta Algonde, le bas-ventre en feu, joignant déjà le geste à l'injonction.
    — La ventrière. Il faut attendre la ventrière, blêmit Philippine.
    Mais déjà Algonde avait basculé du lit et, vacillant sur ses talons, les mains dans celles de Philippine, s'accroupissait et poussait à en perdre le souffle.
    — Par la Très Sainte Vierge ! se liquéfia Philippine en détournant les yeux.
    L'odeur fétide du sang lui tournait le cœur, les grognements d'Algonde l'effrayaient, et s'il n'y avait eu ces doigts qui broyaient les siens, elle se serait enfuie en courant. Algonde n'en avait pas conscience. Tout son être à présent obéissait au sentiment d'urgence et à cette voix dans sa tête, cette voix comme un ruissellement de source, qui quémandait à la fois son aide et son amour. Sa fille, toute chétive soit-elle, avait réussi à générer l'énergie suffisante pour la guider. Mais le temps était compté.
    — Tudieu Algonde, je crois que je vais vomir, hoqueta Philippine, voulant arracher ses mains pour les porter à sa bouche.
    — Pas… encore… lui enjoignit Algonde en poussant plus fort, le visage en arrière, les yeux révulsés.
    Son cri, inhumain, eut raison de la damoiselle qui glissa dans un froissement de tissu à ses pieds. Indifférente à son malaise, Algonde souleva ses jupons et plaqua ses mains jointes contre son sexe écartelé. La tête était là. Un dernier effort, semblait supplier la voix. Algonde en trouva le courage dans le souvenir de Mathieu. Dans cet amour absolu qu'elle lui vouait au-delà de tout et de tous. Le petit corps s'expulsa comme un ruban qui se déroule et Algonde se laissa choir sur le derrière pour le soulever dans ses bras. Violacé, le visage trahissait la souffrance d'une vie en suspens. Obéissant à un instinct qui dépassait le savoir des hommes, Algonde l'approcha du sien et plaquant ses lèvres à la petite bouche entrouverte lui offrit ce qui lui restait de souffle.
    Algonde le perçut sous ses doigts. Le miracle. Le frémissement du corps ranimé. Émerveillée, elle souleva à hauteur de ses yeux le petit être qui s'égosillait. Une lumière

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