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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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réconforter les petiots, Enguerrand leur racontait la neige du Vercors qu'ils ne verraient jamais, le givre qui cliquetait sur les branches, le souffle qui s'embuait dans l'air glacé, les loups qui rôdaient au plus près des maisons. Pour un instant alors, leur misère leur semblait moins grande, car même au plus fort de l'hiver, ici, la température ne chutait pas assez pour mettre leur vie en danger.
    La première fois qu'ils y avaient été menés, Enguerrand s'était étonné de l'implantation de la maison, maçonnée au ventre des ruines dévastées. Lina leur avait confié que le lieu abandonné avait été offert au père de son défunt mari pour service rendu au vice-roi. Bien qu'ayant épousé une Sarde, trop tôt disparue, et bâti ce foyer, il n'avait pas réussi à se faire accepter des gens du village. Il était mort prématurément et son fils unique, Juan, avait hérité à la fois de la défiance des pêcheurs et de l'endroit. Seul le père de Lina l'avait aidé. Ils s'étaient associés. C'est ainsi qu'elle l'avait rencontré. Juan avait épousé Lina, lui avait donné six enfants avant de partir en mer par une belle journée d'été et de n'en revenir jamais. Lina avait ce jour-là perdu père et époux. Orpheline de mère, sans famille, elle s'était adaptée. Tous savaient que des pirates rôdaient au large des côtes, se cachaient dans de petites baies inaccessibles depuis la terre. Juan n'était pas le premier pêcheur à n'être pas rentré. Soit les deux hommes reposaient par le fond, soit ils avaient été enrôlés de force, leur expérience de la pêche se révélant utile pour se ravitailler en mer. Dans les deux cas, elle ne les reverrait jamais.
    Son panier au creux du coude, Mounia se hissa d'un pas tonique au milieu des rochers qui bordaient l'étroit sentier. Elle progressait sur la pente raide depuis quelques minutes, lorsque la brise marine lui porta des bruits de martèlement. Aussitôt son cœur se mit à bondir dans sa poitrine à leur rythme sourd et répété.
    Deux nuits plus tôt, le vent s'était enroulé autour de l'habitation comme s'il avait voulu cette fois la broyer. Une partie du toit s'était envolée et outre la pluie qui avait déferlé sur le sommaire mobilier, une lézarde s'était ouverte dans le mur détrempé. Épuisés de fatigue à apaiser l'angoisse des enfants, ils s'étaient évertués à prier pour que la tempête s'éloigne, vite, sans qu'il y ait d'autre dégât, ni blessé. Quelques heures plus tard, au-dessus de la mer apaisée, les étoiles étincelaient dans le ciel nettoyé. Leur confiance retrouvée, ils avaient pu éponger et dormir jusqu'à l'aube. Le soleil rougissait l'horizon quand Enguerrand s'était rendu en ville pour acheter des planches. Mounia détestait l'idée d'être séparée de lui plus de quelques heures. Aussi s'était-elle sentie allégée, lorsque après une nuit seulement bercée du bruit du ressac par la brèche au-dessus de sa couche, elle l'avait croisé en descendant au marché qui les ramenait à dos de mulet. Enguerrand lui avait volé un baiser du bout des lèvres et l'Égyptienne s'était retrouvée aussi légère que si rien n'avait été. De toute évidence, Enguerrand s'était mis à l'ouvrage sitôt l'animal déchargé.
    Mounia se mit à chantonner avant d'accélérer l'allure en apercevant Enrique, le plus jeune des garçonnets, qui dévalait la roche pelée à sa rencontre en lui faisant de grands signes.
    — Mounia, Mounia, viens vite ! VIIITE ! hurlait-il, surexcité.
    Le cœur de l'Égyptienne se serra. Les coups avaient cessé. Enguerrand serait-il tombé du toit ? Bien qu'il se soit affairé à toutes sortes de métiers ces derniers mois, elle le devinait plus à l'aise à manier l'épée qu'un quelconque outil.
    Lorsqu'elle fut devant l'enfant, ses craintes s'envolèrent. Le visage d'Enrique reflétait davantage le mystère que la gravité.
    — Vite, vite, insista-t-il en lui prenant sa main d'autorité pour mieux l'entraîner.
    — En voilà donc des manières, le gronda-t-elle gentiment. Ne vois-tu pas que mon panier est lourd à porter !
    — Laisse-le donc, j'ai bien mieux à te montrer ! assura le garçonnet en tirant plus fort sur sa main.
    Elle se mit à rire. Pour accorder si peu de cas au melon d'eau dont il raffolait, il fallait en effet que l'enjeu fût de taille. Refusant de se départir de sa charge, elle accéléra le pas, sans parvenir à tirer un mot de plus de cet entêté.

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