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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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s'inquiéter.
    Elle s'affala pourtant dans son faudesteuil, rattrapée par une sensation de brûlure en son bas-ventre. Elle réprima un gémissement de douleur, ramenant ses pensées vers Philippine dont elle n'avait pas de nouvelles. L'heure tournait pourtant. Dans quelques minutes, Francine, une des servantes, viendrait lui porter son bouillon, le visage fermé, l'œil rancunier. Ses comparses n'affichaient de respect pour elle qu'en présence de Philippine, le reste du temps, elles lui faisaient sentir amplement leur animosité, chaque jour grandissante. Algonde ne parvenait pas à leur en vouloir. N'avait-elle pas elle-même autrefois trouvé injuste le traitement que Sidonie réservait à Marthe ? Gomme ce temps-là lui semblait loin soudain. Des larmes lui piquèrent les yeux qu'elle refusa de toutes ses forces. L'enfant était descendu et plombait son pubis. Elle se sentait laide, emprisonnée dans ce surplus de poids qui la rendait d'une vulnérabilité extrême. Quiconque eût voulu l'éliminer l'aurait pu facilement tant ses gestes étaient devenus lents et gourds.
    Elle releva ses jambes avec peine et posa ses mollets sur le tabouret recouvert de coutil tapissier. La pression en son pubis s'accentuait.
    Algonde serra les dents. Avec un peu de chance cela se calmerait. Une semaine de plus. Il fallait tenir une semaine jusqu'au terme. Elle tenta de s'évader de ce corps impotent pour s'apaiser à la vision des siens à Sassenage, mais cette fois encore, elle ne capta ni leurs visages ni leurs pensées. Comme si sa fille en elle faisait écran, comme si c'était elle qui s'en nourrissait. Certes les nouvelles de Gersende étaient fréquentes, toujours réconfortantes, mais sa mère se faisait discrète à propos de Mathieu. Dans une lettre seulement elle avait laissé entendre que le jouvenceau s'était rapproché de Fanette, leur amie d'enfance. Jusqu'à quel point ? Algonde savait bien que Fanette était amoureuse de lui depuis toujours. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas le deviner. Avait-elle saisi l'occasion de son éloignement pour aguicher Mathieu ? Algonde ne cessait de s'en tourmenter et tout à la fois tentait de se convaincre qu'elle préférait le voir marié à une autre qu'à brigander au cœur des forêts. Dans les deux cas, elle le perdait. Pour mieux le retrouver ? Un jour sans doute, mais quand ? N'auraient-ils pas alors gâté leurs plus belles années ?
    On toqua à sa porte et Francine passa le seuil sans attendre de réponse. Silencieuse, elle posa le plateau d'argent sur la tablette à côté du faudesteuil avec la même brusquerie que d'ordinaire, destinée à renverser un peu de bouillon par le côté pour abîmer le goût du gâteau de pain aux fruits secs. Vengeance facile. Un seul mot à Philippine et elle aurait été châtiée. Francine avait dû deviner qu'elle ne s'y résoudrait jamais. Alors, comme à l'ordinaire, Algonde fit semblant de ne rien remarquer. Elle n'avait plus que des ennemis en ce bas monde. Malgré sa force de caractère hors du commun, son fardeau lui semblait par moments désespérément lourd à porter. Elle attendit que Francine fût ressortie pour se forcer à manger. La douleur lui coupait l'appétit de ses spasmes réguliers.
    Elle terminait de mâchouiller son dessert détrempé lorsque la porte s'ouvrit sans que cette fois on se fût donné la peine de frapper. Algonde tourna machinalement la tête vers l'huis et s'étouffa d'une bouchée mal avalée en voyant Marthe le franchir puis le barrer.
    — Aurais-tu à cœur de me faciliter la tâche ? se moqua la Harpie en s'approchant d'elle comme elle tentait de reprendre son souffle.
    Algonde était incapable de répondre. Loin de calmer ses contractions, cette toux les augmentait.
    Contre toute attente, Marthe lui versa un gobelet d'eau et le lui offrit avec une sollicitude inhabituelle. Ensuite de quoi, elle envahit sans vergogne le faudesteuil dans lequel, précédemment, Jacques de Sassenage s'était installé, et croisa ses mains noueuses sur ses genoux qu'on devinait saillants malgré l'épaisseur de l'austère robe noire. Son visage anguleux et émacié se fixa sur celui d'Algonde, rouge et larmoyant. Quelques minutes passèrent dans ce curieux face à face, avant que la jouvencelle puisse redresser le buste et soutenir le regard perçant.
    — Te voici aussi laide que moi, se moqua la Harpie avant de tirer d'une bourse accrochée à sa ceinture deux petits flacons cylindriques

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