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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Philippine releva ses jupons et courut se jeter dans ses bras ouverts.
     
    Parvenu dans le bureau de l'abbesse, refusant le siège que celle-ci lui offrait, Jacques de Sassenage se campa dos à la fenêtre à meneaux. La révérende ne pouvait s'asseoir sans ressentir cruellement le poids de son orgueilleuse présence. Elle s'appuya légèrement du haut des reins contre son bureau pour mieux le toiser.
    — Je vous écoute, mon fils… l'invita-t-elle d'un ton plus affable.
    Loin de la catin, elle se sentait plus légère.
    — Je n'ignore pas, ma mère, la réserve que vous affichez à l'égard de mon épouse et je l'entends. Toutefois j'aurais à cœur de vous voir la modérer.
    Jacques de Sassenage tira un pli de son gilet pour le lui tendre.
    — Je sais que vous avez agi pour le mieux concernant l'égarement de Philippine. Et que votre sévérité était contrainte par l'attachement que vous lui portez. Je tenais à vous en remercier.
    Agréablement surprise, l'abbesse décacheta le parchemin et le parcourut d'un regard de biais. C'était l'acte notarié d'une donation. Outre des terres, la somme ajoutée était importante.
    Cette valorisation lui conféra une légitimité plus grande encore. Si Jacques de Sassenage espérait la réduire au silence, il se trompait.
    — Ce geste vous honore, messire et au nom de la communauté de Saint-Just je ne peux que vous en remercier. Toutefois vous n'empêcherez pas mes sentiments à l'égard de Sidonie. Ma franchise, vous le savez, n'a d'égale que votre générosité. Ses actes passés me la font voir indigne d'un homme tel que vous, indigne de la mémoire de Jeanne. Et je le crois sincèrement, hélas, un piètre exemple de moralité pour vos filles…
    Jacques ne cilla pas. Il s'attendait à cette diatribe. L'abbesse soupira.
    — C'est sans doute pour cette raison que contrairement à d'autres fois, d'autres temps, vous avez préféré agir sans venir m'en parler. Elle est votre dame désormais et je ne peux que m'incliner devant cette évidence. Je la respecterai donc à ce titre, Jacques, mais ne me demandez pas de l'apprécier et si vous voulez un conseil, prenez garde que vos filles…
    Elle n'acheva pas, attirée par le bruit d'une cavalcade dans l'escalier. En provenance de l'étage supérieur. Le sang lui quitta le visage. D'instinct, elle se précipita vers la porte au moment où celle-ci s'ouvrait sur la moniale qui s'occupait de Jeanne de Commiers en son absence. La révérende n'eut que le temps de se pousser pour n'être pas bousculée par la volée.
    — Eh bien, sursauta-t-elle.
    — Il faut venir, madame, vite. C'est Jeanne…
    Voyant le baron qui sourcillait dans l'encadrement de la fenêtre, la nonne rougit de confusion, consciente de son impair.
    — Pardonnez-moi, je ne…
    Mais déjà l'abbesse avait repris le contrôle. D'une main autoritaire, elle l'avait repoussée dans le corridor et tirait le lourd battant sur elles. Elle n'eut pas le temps de demander des explications qu'un hurlement retentit à l'étage suivi de coups répétés contre la porte verrouillée.
    — Elle est soudainement devenue folle, madame, hoqueta la nonne.
    Le cœur de l'abbesse se serra à l'étouffer. Elle s'efforça au calme pourtant. Elle n'avait que quelques secondes avant que le baron l'interroge.
    — Que s'est-il passé ?
    — Elle était à la fenêtre, chantonnait comme d'ordinaire et puis sa voix s'est tue, son regard est devenu fixe. L'instant d'après elle se jetait sur moi et réclamait qu'on lui rende… La voix se fit murmure dans le vacarme des cris… Son visage…
     
     — Ainsi donc, tu dis que le pourrissement est venu de l'enfantement, résuma Albrante après que, retirées toutes deux dans l'office pour mieux se retrouver, Philippine lui eut raconté les malheurs d'Algonde.
    — Oui ma sœur. L'enfant était presque à terme. Elle est chétive et sans sa mère, je crains…
    Sa gorge se noua à cette idée et elle ne put achever sa phrase, se contentant de lever vers la religieuse un regard éploré. Albrante repoussa le banc sur lequel elle avait posé son important derrière et s'en fut fouiller dans son armoire à médecine. Elle n'y trouva rien qui lui donnât satisfaction et secoua la tête, l'âme en peine.
    — Le couvent hélas nous garde de ces maux… Je doute de pouvoir lui venir en aide.
    Un sanglot éclata dans son dos. Surprise, Albrante fit volte-face et découvrit Philippine, le visage renversé entre ses bras

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