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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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donnée à Philippine, la mixture n'avait aucun caractère abortif. Alors quoi ? Présine était-elle intervenue sur l'œuf ? Marthe n'avait rien lu en ce sens lorsqu'elle avait forcé l'esprit d'Algonde. La jouvencelle avait-elle réussi à le lui cacher ? En ce cas, Marthe avait bien fait d'ajouter au mélange quelques gouttes de son propre sang. Oui, c'était sans doute là l'explication. Bien et mal se heurtaient en l'esprit d'Algonde. Jusqu'à ce que l'un des deux l'emporte, la jouvencelle dépérirait.
    Marthe secoua la tête, l'œil morne.
    — Je conçois que certaines choses vous échappent, damoiselle, mais je ne suis pas votre ennemie. Pas plus que moi dame Sidonie ne souhaite une issue fatale. Si son état s'aggrave encore, faites-moi signe, je tenterai l'impossible avec mes élixirs.
    Était-elle sincère ? Son regard le disait. Philippine pourtant refusa de s'y laisser prendre.
    — Sortez, Marthe. Je ne laisserai personne d'autre que Dieu décider !
    Comprenant qu'elle ne gagnerait rien à insister, la Harpie tourna les talons et gagna le corridor. On avait séparé l'enfant de sa mère. La petite Elora pleurait dans la chambre voisine. Marthe passa le seuil. La nourrice s'était assoupie dans le faudesteuil voisin du berceau, épuisée sans doute des sanglots incessants de l'enfançon. Sans plus de bruit qu'une ombre, Marthe s'approcha et se pencha au-dessus du petit visage rougeaud. Instantanément, les larmes cessèrent et les yeux se braquèrent sur la face monstrueuse de la Harpie. Comme deux faisceaux ardents qui la brûlèrent. Marthe tressaillit de joie. Elora avait le pouvoir. Le pouvoir du mal. La mixture qu'elle avait fait prendre à Algonde avant l'accouchement avait emporté ce qui restait de bon en l'enfançon. La petiote lui appartenait et sa mère de même, si elle survivait. Marthe recula et quitta la pièce pour regagner ses appartements. Présine avait perdu la partie. La prophétie s'accomplirait. Quoi qu'il advienne, elle, Plantine, reprendrait son apparence initiale et régnerait sur les Hautes Terres.
    *
    Algonde était ailleurs. Dans un ailleurs hors du temps qu'elle ne maîtrisait pas. Elle nageait dans des limbes tour à tour irisés comme des perles ou rouge sang. Elle se devinait perdue entre deux mondes sans parvenir à retrouver le chemin pour revenir au présent. Pour autant, elle savait qui elle était, le but de sa mission, la force de la prophétie. Elle entendait surtout le chant désespéré de sa fille qui lui criait son amour. Pourquoi ne parvenait-elle pas à la rejoindre ? Que lui avait donc fait Marthe ? Qu'adviendrait-il de l'enfant si elle passait ? Dans un reflux incessant, sa tempête intérieure la balayait de détresse. Des images l'abordaient comme des rives prometteuses. Mathieu qui lui tendait les bras, sa mère qui riait à celui de maître Janisse, Elora baignée d'un halo de lumière. Chacune d'elles pourtant était avalée par la lame, comme la montagne avalait le Furon. Ne pas lutter, lui susurrait une voix dans sa tête. La voix de Marthe. La voix du mal. Elle s'arqua dans son inconscience et hurla :
    — Jamais !
     
    Assoupie près du lit, Philippine sursauta et se pencha sur Algonde. Inerte à nouveau, la jouvencelle ânonnait à présent une litanie incompréhensible, le visage balayé de grimaces. Des larmes roulèrent sur les joues de Philippine. Pourquoi alors que le mal était enrayé dans son ventre, pourquoi Algonde ne reprenait-elle pas conscience ? Elle lui tapota les joues, l'appela. Ce fut sans effet. Et son père qui voulait demain aller chercher ses sœurs à Saint-Just, arguant qu'ils n'avaient que trop tardé. Que le tournoi à Romans était dans trois semaines et qu'il fallait les réhabituer auparavant aux modes de la cour. Elle n'irait pas. Tant pis pour sœur Albrante qui s'en désolerait. Philippine sursauta. Sœur Albrante ! Voilà la solution. Sœur Albrante et son remède ! D'un coup elle se sentit plus forte. Si Algonde résistait jusqu'à son retour de l'abbaye, alors oui, elle en était sûre, la médication prodigieuse de l'infirmière la sauverait.
    Aux premières lueurs du jour, avait dit son père. Philippine tendit l'oreille. La maisonnée dormait encore et elle risquait bien de s'assoupir de même. Lors, son père partirait sans elle.
    — Attends-moi, Algonde. S'il te plaît, implora-t-elle à l'oreille de la malade avant de reculer jusqu'à gagner la porte de sa chambre. Là, prenant sur elle,

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