Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
était morte. De toute évidence, c'était terminé. Elle était morte. Cette lumière qui courait en elle, bleue, brûlante d'être trop glacée, l'emportait vers un ailleurs de paix retrouvée. Le paradis après l'enfer. Un gazouillement lui parvint. Un chant d'oiseau. La bécaroïlle ? Ou le babil d'un enfançon. Petite Elora. Petite Elora laissée derrière elle. Offerte à Marthe. Au mal. Non. Elle ne pouvait l'admettre. Elle devait l'emmener. Elle serra les poings.
     
    Philippine tressaillit, les doigts broyés. Des syllabes muettes sur la bouche d'Algonde. Les reformer, les boire, les comprendre.
     
    Elora.
     
    Philippine desserra l'étreinte et se précipita vers le berceau. La petiote était pâle, si pâle à son tour. Elle l'enleva dans ses bras et sans réfléchir la coucha sur sa mère. Corps contre torse, bouche contre bouche. Puis elle recula, désespérée de comprendre ce qui se passait. Se pressant les lèvres pour étouffer sa détresse, les yeux noyés, elle attendit de les perdre toutes deux dans leurs souffles mêlés.
     
    La Camarde a un parfum de naissance.
    Voilà ce qu'Algonde pensa en refermant ses bras sur le petit corps. Avant de basculer dans la lumière bleue.
    *
    — Depuis quand savez-vous ? demanda froidement Jacques sitôt que la porte de son bureau les eut isolés, lui et Sidonie.
    Elle ne se déroba pas, croisa les mains derrière son dos pour les empêcher de trembler et releva le menton. Il y avait trop longtemps que ce secret la rongeait.
    — Depuis qu'on l'a officiellement enterrée. J'ai surpris son visage à la fenêtre, ses yeux vides qui balayaient la scène. Hagards. C'était elle. Et tout à la fois…
    Sa voix se brisa.
    — Je l'ai aimée, Jacques. Vraiment aimée. C'est pour ça que je me suis tue. Que j'ai accepté.
    Il la gifla. Par réflexe. S'en voulut sitôt sa main retombée. La joue écarlate, Sidonie n'avait pas bougé. Il se détourna d'elle à grandes enjambées, enferma ses doigts douloureux de son geste dans sa main gauche et s'en fut perdre son regard par la croisée. Il avait mal. De la comprendre. Sans parvenir à lui pardonner.
    — La seule différence entre nous, Sidonie, c'est que je l'aime encore.
    Elle accusa cette évidence sans sourciller.
    — Je l'ai toujours su. Je vous l'ai dit, Jacques. Si elle s'en sauve, je partirai.
    Il ferma les yeux. Aurait-il le courage de cette décision, de cette sentence que le voyage lui avait imposée ? Il inspira longuement pour le trouver. Toussota pour affermir sa voix.
    — Vous partirez quoi qu'il advienne, Sidonie. Vous irez à Sassenage et y vivrez cloîtrée. Car je veux que la vérité soit dite. Je veux que mes enfants sachent.
    Elle chancela. Trouva l'appui du bureau sous ses doigts gelés. Se reprit.
    — L'abbesse sera destituée. Ce sera ma seule consolation.
    Il se tourna brusquement vers elle. Livide.
    — Êtes-vous donc si mauvaise ?
    Elle secoua la tête, refusant ces larmes qui piquaient.
    — Non point, Jacques. Mais il sera juste qu'elle soit punie comme je le suis ce jourd'hui. Punie de trop d'amour. Et du besoin de protéger. Pourquoi croyez-vous donc qu'elle me haïssait ?
    Il hocha la tête, un instant ébranlé. Tout prenait un sens désormais. Pour autant…
    — Jusqu'à ce que sœur Albrante m'en délivre, je respecterai l'engagement que je lui ai donné. Aux yeux de tous, rien ne changera. Rien. Ni pour vous ni pour moi. Vous m'accompagnerez à Romans et préparerez mes filles à rencontrer des prétendants. Retirez-vous à présent. Il me reste une chose à régler contre laquelle cette fois vos arguments seront sans effet.
    Sidonie baissa la tête. Combien en cet instant elle aurait aimé le serrer dans ses bras, l'apaiser d'un baiser. Elle gagna la porte.
    — Envoyez-moi Marthe.
    Elle sursauta. Se retourna, livide.
    — Ne faites pas cela, Jacques. Vous ne savez pas à quoi vous vous exposez.
    Il la toisa, glacial.
    — Si je le sais puisque vous l'avez nourri. C'est le diable que je vais congédier.
    *
    Chancelante de trop de chagrin, Philippine s'était mise à genoux. Elle ne voulait personne. Non, personne. D'ailleurs qui pouvait comprendre ce qu'elle ressentait ? Personne. Non, personne. Les mains jointes, la tête fixant les plis de sa robe moirée constellée de larmes comme autant d'étoiles qui s'éteignaient, elle s'était mise à prier. À sept pas du lit. Pourquoi sept et pas neuf ? Neuf et pas douze ? Elle en avait compté sept en reculant.

Weitere Kostenlose Bücher