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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Janisse. Vous avez bu… À cette heure de la journée ! Ah, c'est du joli !
    Le cuisinier ricana bêtement, pris en faute, mais si content qu'il ne pouvait s'en désoler.
    — Une pinte ou deux. Pas davantage. Parbleu ! Une occasion pareille… Depuis le temps… Gersende… Vous n'allez pas me bouder avant même que nous soyons mariés…
    Gersende ne put répondre. Le braquemart sur l'épaule gauche, Mathieu s'en revenait de chez le forgeron. Gersende ne sut pas ce que Janisse lui avait dit pour le décider, mais il sifflotait gaiement et grimpa sur le siège d'un mouvement alerte. Ce faisant, Janisse fut déséquilibré et ne dut qu'à l'empoignade de Mathieu de ne pas chavirer sous le rire des badauds réjouis du spectacle. Seule Fanette ne l'était pas. Mais cela non plus, Gersende ne le vit pas. Occupée à prendre place aux côtés de Mathieu, tandis que Janisse passait par-dessus les ridelles et s'installait sur la plate-forme arrière, elle avait bien mieux à penser.
    De fait, renfoncée dans un coin d'ombre, la jouvencelle regardait la scène d'un œil circonspect.
    Au moment où il franchissait le seuil de la forge, l'arme au poing, elle s'était interposée entre lui et la liberté.
    — Reviendras-tu ? avait-elle demandé.
    — Je t'ai fait une promesse, Fanette. Je la tiendrai.
    Mais en voyant la carriole s'ébranler avec cet étrange équipage, elle n'était pas sûre de le revoir jamais.

20
    La brûlure en elle était plus forte d'heure en heure. Foudroyée d'images plus violentes les unes que les autres, Algonde n'en finissait plus d'agoniser. Elle ne voulait pas revenir. Pourquoi ? Elle l'ignorait. Chaque fois qu'elle éprouvait l'envie de se raccrocher à quelque souvenir heureux, il lui était arraché par une prémonition terrible. Elle tremblait des pieds à la tête, n'espérant que la mort en ultime délivrance. Cela ne lui ressemblait pas. Elle était possédée par une autre, rongée par une autre. L'Algonde qui possédait l'atavisme de Mélior. L'Algonde noire de la vouivre. De Mélusine. Que n'aurait-elle donné pour se laisser emporter par elle tant elle était certaine d'en être apaisée ! Mais non. Alors même qu'elle ne luttait plus, la bécaroïlle continuait de chanter en elle et c'était cela qui la tuait. Cette petite bécaroïlle qui chantait.
     
    Philippine lui ouvrit la bouche en lui pinçant les joues et fit couler sur la langue un peu de l'élixir que sœur Albrante avait transvasé dans un petit flacon de terre cuite, sans autre explication que celle de le lui administrer. Étrange retour dans la carriole, égayé du pépiement excité de ses sœurs, de son espoir revenu, et tout à la fois du mutisme de Sidonie et de son père. Ces deux-là n'avaient pas échangé un seul regard, comme si entre eux quelque chose s'était brisé. Était-ce la folie de cette femme dans le donjon, qui les avait choqués ? L'évoquer les avait embarrassés puisque Sidonie avait aussitôt changé de sujet et abordé celui, plus gai, du tournoi à venir à Romans. Oui, curieux retour. À peine sautée de la voiture, Philippine s'était précipitée au chevet d'Algonde, rattrapée par l'idée qu'elle ait pu passer pendant son absence.
    Plus faible et creusée encore qu'au matin, sa chambrière paraissait torturée. Le prêtre venu lui donner l'extrême-onction avait même suggéré qu'on fît appel à un exorciste tant la seule application d'huile sainte à son front l'avait fait se cambrer sur le lit. Depuis personne n'avait osé franchir le seuil de la chambre, attendant le retour des maîtres pour en décider. Quant à l'enfançon, ses hurlements incessants les terrorisaient. Même la nourrice ne parvenait à les calmer et s'il n'y avait eu Marthe pour y veiller, elle se serait enfuie à son tour, bien certaine que le diable habitait mère et fille de la même manière.
    En apprenant ces simagrées, Philippine s'était mise en colère, avait ordonné qu'on ramène le berceau dans la chambre d'Algonde et, sitôt la porte refermée sur ses ordres exécutés, l'avait bouclée. Instantanément, la petite Elora s'était calmée.
    À présent, penchée au-dessus du souffle putride d'Algonde, elle guettait sa vie en suspens. La main pressant celle de sa chambrière, de son amie, de son amante. Chuchotant dans le silence revenu tout l'amour qu'elle lui portait.
     
    L'arc lui piqua le cœur dans une traînée fulgurante et Algonde eut l'impression que la foudre venait de la frapper. Elle

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