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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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avait repris conscience dans ce lit sur lequel elle se tenait assise ce jourd'hui. Depuis que l'obsédait un visage d'homme et un nom : Jacques. Sans rien autour qu'un sentiment d'amour si fort qu'il ébranlait nuits et jours dans un manque décharné.
    — Aidez-moi. Racontez-moi.
    Sœur Albrante dut se contenir pour ne pas céder. Elle secoua la tête.
    — Je ne peux, Jeanne. Votre mémoire doit se réapproprier elle-même ces souvenirs perdus sans quoi vous seriez incapable de les recouvrer jamais.
    — Dites-moi comment c'est arrivé…
    — Vous le savez déjà. C'est la troisième fois que je le fais.
    Jeanne joignit les mains en prière.
    — Encore. S'il vous plaît, sœur Albrante. Cela m'aidera, je le sais.
    Elle céda.
    — Dans les bois près du couvent. Des brigands vous ont attaquée.
    — Jacques était là ?
    — Non. Vous veniez me rendre visite.
    — Pourquoi ? Sœur Albrante se leva. Elle était épuisée de ces questions auxquelles elle refusait de répondre. Il fallait du temps. Malgré l'élixir de la sorcière. Il fallait du temps.
    — Cela ira pour aujourd'hui. Il faut vous reposer.
    — Il y a trop d'années que je me repose, soupira Jeanne en haussant les épaules.
    Albrante tiqua. Jusqu'à hier, Jeanne était incapable d'avoir la notion du temps passé.
    — Combien à votre avis ?
    Un éclair furtif dans le regard. Un silence. Puis de nouveau.
    — Je ne sais pas. Juste une certitude. Peut-être à cause du miroir ce matin. Je ne me souvenais pas de ces rides à mon front.
    Soudain, elle se mit à trembler et la peur habilla ses prunelles.
    — Est-il mort ? Jacques est-il mort, ma sœur ? Est-ce pour cela que vous ne voulez rien me dire ?
    Albrante s'accroupit et enferma les mains soignées dans les siennes.
    — Non. Jacques va bien. Il ne faut pas vous inquiéter de cela.
    Le visage s'éclaira. Rattrapé par un souvenir. Toujours le même. Le seul.
    — Tant d'années et pourtant j'ai du mal à croire que ce ne soit pas hier. Cela me semble si présent ma sœur. Je pourrais presque sentir le parfum du chèvrefeuille autour de nous…
    Elle ferma les yeux, enivrée une nouvelle fois par ces images.
    — … Il me soulève dans ses bras. Il y a de nouvelles feuilles au gros chêne. Le soleil passe à travers. Ses yeux brillent. Il rit. Il se met à tourner. Tout se met à tourner. Vite. Vite. Le soleil danse. On rit. Et puis il s'arrête. J'ai le vertige. Je m'accroche encore plus à son cou.
    Jeanne renversa la tête en arrière.
    — Et puis il m'embrasse. Pardonnez-moi, ma sœur, mais j'aime tant quand il m'embrasse. Oh oui, j'aime, j'aime !
    Albrante lui libéra les mains et la laissa s'abattre sur le lit, les bras en croix, radieuse. Cette parenthèse heureuse apportait un baume à toutes ces années de réclusion. Pour autant, Jeanne regagnerait-elle assez de mémoire pour retrouver une vie normale ? Jusque-là, après quatre jours de traitement avec l'élixir, rien n'avait véritablement changé. Elle n'avait gardé aucun souvenir de ses retrouvailles avec son époux, ni de ce qui avait déclenché le processus. Elle s'était éveillée en le réclamant. Avait souri à l'abbesse à son chevet en lui demandant combien de jours il lui restait avant de retourner au château de son père pour préparer ses épousailles avec Jacques de Sassenage. Comme si en voyant sa fille par la fenêtre du donjon, l'autre jour, c'était elle au même âge qu'elle avait revue, retrouvant les sentiments qui l'habitaient alors. L'abbesse avait jugé bon de lui dire qu'elle était déjà épousée et qu'elle se trouvait là en convalescence. La journée durant, Jeanne n'avait rien exigé de plus. Elle avait sagement gardé le lit, pris sa médication. Chaque fois qu'Albrante avait ouvert la porte, elle l'avait trouvée qui chantonnait. C'était au moment du matinel, le lendemain, qu'elle l'avait découverte assise sur la couche, cernée, hagarde. Effrayée.
    — Qu'avez-vous, Jeanne ? s'était-elle inquiétée en se précipitant.
    Jeanne s'était mise à pleurer comme une enfant.
    — J'ai rêvé qu'une sorcière d'une laideur terrifiante surgissait d'un fourré. Elle pointait un ongle recourbé sur mon front et ricanait en affirmant que jamais plus je ne retrouverais mon chemin. Je l'ai cherché toute la nuit, en vain. Je n'ai pas reconnu mon castel, mes gens, mes parents. Jacques avait disparu. Tout m'était étranger. C'est terrible, ma sœur. Je crois bien qu'on m'a

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