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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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toujours prompt à aider son prochain, faisant preuve malgré sa dureté en affaires d'une véritable générosité. C'est le chagrin qui l'a changé. Peu à peu, jour après jour. Tout comme ma mère. L'un et l'autre si unis se sont déchirés. Lors n'a plus compté pour lui que son métier. Les bénéfices toujours plus importants, la renommée.
    Philippine et Algonde n'osaient pas l'interrompre, conscientes de la profonde détresse qui était son lot. Elle en portait les stigmates, d'ailleurs, le visage et le corps épaissis par trop de chère, à la façon de ces êtres qui se jettent sur la nourriture pour se réconforter.
    Marie reprit son souffle.
    — C'est grâce à l'affection que vous me portiez, Hélène, que le prince m'a autorisée à lui parler quelques heures avant qu'il ne soit roué en place publique. Père lui avait demandé pardon, non dans l'espoir d'être gracié mais parce qu'il regrettait sincèrement son geste. Le Génois avait menacé de nous occire tous s'il refusait de verser le poison. Il a choisi. Les siens ou son amitié pour le prince.
    — Djem me l'a expliqué, intervint Philippine, nouée. Il l'a absous, je le sais.
    — Pourquoi alors ne pas l'avoir libéré ? Le Génois ne suffisait-il pas à la justice ? demanda Algonde qui n'avait vécu cette affaire que par ce que Philippine lui en avait raconté.
    Celle-ci secoua la tête, navrée.
    — Et faire montre de faiblesse au regard de ses ennemis ? À cause de cette fortune promise par Bayezid à qui l'en débarrasserait, trop de gens guettent la moindre défaillance de sa part. Si Djem ne s'était montré impitoyable, les attaques se seraient multipliées.
    Marie l'approuva.
    — Le prince a fait ce qu'il devait. Mon père s'était résigné à mourir. Cette sentence soulageait sa conscience, il me l'a dit. Et le prince, loin de le torturer, lui a fait servir un breuvage mortel peu avant le châtiment.
    Elle frissonna, rattrapée par l'image, avant de poursuivre, comme si d'en parler lui permettait d'exorciser enfin.
    — Il était conscient lorsque le bourreau lui a lié les membres à la roue sur la grand-place, là où s'était déroulé le tournoi. Il me semble encore entendre le roulement des tambours et les injures, de la foule, pressée de chaque côté des barrières qui la ceinturaient. Ma mère était à mes côtés. Près du prince et de Nassouh qui avaient autorisé notre présence. C'est là que Djem s'est penché à mon oreille pour me rassurer…
    La voix de Marie se brisa. Elle s'obligea pourtant à poursuivre.
    — … Père n'a pas souffert. Lorsque le bourreau a fait claquer son fouet, il était mort déjà.
    Philippine, venue s'accroupir devant elle, la serra dans ses bras.
    — C'est fini, Marie. Il n'y faut plus songer à présent.
    Marie se dégagea. Malgré son courage, ses yeux étaient rouges des larmes qu'elle retenait dans un sursaut d'orgueil.
    — Non, ce n'est pas fini, dit-elle. Laurent de Beaumont me laisse sans nouvelles. Je sais bien qu'en sa qualité de page du roi il s'inquiète pour sa réputation. Épouser la fille d'un meurtrier ! Enceinte de surcroît !
    Elle ricana amèrement devant l'air hébété que venaient de prendre ses compagnes.
    — Hélas ! Ne le voyez-vous pas ?
    Philippine resta interdite. Marie se rabattit contre le dossier du fauteuil, croisant ses mains sur son ventre pour révéler l'arrondi sous sa robe à la coupe ample.
    — Je pourrais lui en vouloir si j'étais sûre que cet enfant était de lui. Mais à la vérité, mes amies, je n'en sais rien. C'est là tout mon tourment. Laurent s'en croit le père et je ne peux le détromper sans ajouter à ma disgrâce.
    — Vous, Marie, vous l'auriez trahi alors que vous l'aimiez tant ? Cela vous ressemble si peu que j'ai du mal à y croire, tempéra Philippine en se rasseyant, les genoux fatigués par leur posture.
    — Trahi, non. Non. Jamais je ne l'aurais pu, vous avez raison. On m'a forcée.
    — Le sire de Montoison ! s'exclama Algonde qui, s'étant levée pour attiser les flammes dans l'âtre, venait de suspendre son geste et de pivoter.
    Marie tourna vers elle un visage effrayé.
    — Comment…
    Haussant les épaules, Algonde se remit à l'ouvrage.
    — Je ne vois que ce pourceau pour se venger d'un rival de cette manière, dit-elle en agaçant les braises pour en ranimer l'ardeur sur le bois humide.
    Les traits de Philippine se durcirent.
    — Est-ce lui, Marie ?
    Hochant la tête, Marie de

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