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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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comprenait pas. Mounia n'aurait pas dû mourir cette nuit-là. « Deux hommes, deux femmes », avait dit le père de Malika. Ils avaient enterré deux femmes. Enguerrand n'avait pas eu le courage d'en reparler. À quoi bon ? Ses nouveaux amis n'avaient aucune raison de lui mentir. Mais ce n'était pas juste. Pourquoi les Anciens ne l'avaient-ils pas protégée ? Et plus encore l'enfant qu'elle attendait ? Le porteur de destin ne s'était pas trompé en annonçant à Fatima qu'elle mourrait peu de temps après avoir rencontré son gendre. « Un chrétien », avait-il affirmé. Le père de celui qui protégerait le roi des Hautes Terres. C'était à n'y rien comprendre.
    Parfois, il avait l'impression de devenir fou et se prenait la tête dans les mains avec l'envie de hurler.
    Ce jourd'hui, plus encore.
    Il avait rêvé d'elle dans un immense palais. Des colombes le survolaient et l'odeur des roses s'infiltrait par tous les interstices d'un immense moucharabieh. Il l'avait vue se tenir le ventre avant de s'accroupir. Il s'était éveillé sur la certitude qu'elle allait accoucher. Quoi qu'il fasse, il ne pouvait s'arracher à cette idée. Le paradis blanc dans lequel elle se trouvait voyait ce jourd'hui naître un enfant qu'il ne connaîtrait jamais.
    *
    La Khanoum le reçut entre ses mains. Elles étaient seules dans la pièce, comme l'Égyptienne le lui avait demandé en sentant venir sa délivrance.
    Aussitôt Mounia lâcha les barres du portique pour le lui arracher et le nicher dans ses bras.
    — La fiole, vite, débouche-la, exigea-t-elle avec tant d'autorité dans la voix que la Khanoum, qui eût dû s'en offusquer, obtempéra et la lui tendit sans un mot.
    Mounia fit glisser une goutte de l'élixir des Anciens entre les lèvres du nouveau-né qu'elle soustrayait à la vue de sa protectrice dans le creux de son coude. Rosé de teint bien que chétif, il n'avait en rien l'allure d'un mourant. Tant qu'il ne criait pas, pourtant, elle pouvait le laisser croire, mais se devait d'agir vite. Très vite. Une autre goutte. Il devint cramoisi, agita les pieds et les mains, arrachant un cri de surprise à la Khanoum. Lorsqu'il hurla, Mounia sourit de la voir s'asseoir de saisissement.
    L'Égyptienne enjamba le baquet d'eau de rose, saisit une paire de ciseaux dorés à l'or fin sur un petit tabouret et, s'étant débarrassée du flacon, coupa le cordon elle-même sous les yeux ébahis de la Khanoum qui ne se remettait pas.
    Cinq livres à peine, évalua-t-elle le poids de son fils. Il pourrait passer pour prématuré. Leur cause à tous deux était gagnée. Et avec elle, celle de l'incroyable élixir des Hautes Terres. Restait pour Mounia à reprendre sa place auprès de Bayezid.
    D'un pas sûr, elle vint s'agenouiller devant la Khanoum et lui présenta le nouveau-né, les yeux brillants de joie.
    — Le sultan a un nouveau fils, ma mère. Qu'il lui donne le nom qu'il voudra. Tout ce que je demande en retour, c'est qu'il l'aime, autant que moi.
     

38
    Jeanne de Commiers et son équipage avaient mis trois semaines pour atteindre Lans-en-Vercors, quand deux avaient suffi quelques mois plus tôt.
    Ainsi que Jacques l'avait craint, ils avaient essuyé une tempête de neige dans la montée de la Traversette. Seules la chance et l'expérience de leur guide les avaient sauvés. Ils n'étaient qu'à un quart d'heure de marche du tunnel, long de deux cent trente pieds, large de dix et haut de six, lorsqu'elle avait commencé. Ils s'étaient assis à même la roche et, l'après-midi s'étirant, n'avaient repris leur route qu'au petit jour, à pied, dans une poudreuse épaisse et gluante qui battait le jarret des mulets. Le temps s'était levé. Les yeux douloureux de l'intense luminosité qui avait succédé au brouillard, ils avaient dû continuer sur des sentiers escamotés par la neige. Étouffant de chaud soudain sous leurs pelisses fourrées.
    Il leur avait fallu douze jours pour rallier la ville fortifiée de Briançon sur son promontoire escarpé.
    Jusque-là, ils s'étaient blottis la nuit dans la froidure des bergeries, nourris de pain et de pommes, et désaltérés en longeant les cours d'eau.
    Pas une fois Jeanne ne s'était plainte, forçant le respect de Jacques de Sassenage et l'admiration d'Aymar de Grolée.
    Se calant à son rythme, les deux hommes s'étaient relayés pour la porter lorsque les bêtes ne le pouvaient pas et, quand elle exigeait de marcher à leurs côtés, l'avaient encadrée autant que

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