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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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possible pour couvrir ses faux pas. Bien qu'ils eussent de nombreuses choses à se dire, ils avaient peu discuté, se concentrant sur leur progression, refusant de s'épuiser dans ces montagnes où l'air était rare en plus d'être vif.
    Les joues rouges, les yeux brillants de larmes douloureuses, si Jeanne s'était émerveillée des pics blanchis qui étincelaient tels des diamants sous le soleil, à aucun moment elle n'avait craint les ours ni les loups, invisibles, dont la neige trahissait la dangereuse présence. Elle savait que leur escorte veillait, et jouissait, malgré son ventre qui tiraillait, de la compagnie discrète de ces deux êtres, se reposant sur leur amour.
    Par la suite, elle avait écouté Jacques lui raconter par lui-même sa vie et celle de leurs enfants au long de ces cruelles six dernières années. Jeanne alors avait pu prendre la pleine mesure de l'affection qu'il portait à Sidonie. Elle en avait été heureuse, certaine qu'une autre auprès de lui aurait bien moins servi sa mémoire et ses petits que sa cousine ne l'avait fait.
    Bon an, mal an, ils avaient cheminé dans ce mois de novembre finissant, sous des températures adoucies au fil des jours.
    Arrivé dans les gorges d'Engins, au moment de se séparer, Jacques de Sassenage, descendu de cheval, lui avait fait mettre pied à terre pour l'entraîner à l'écart du groupe.
    — Nous ne nous reverrons pas avant que tout soit terminé, ma mie, car il vaut mieux, pour tromper Marthe, que j'ignore cette fois encore le lieu de votre retraite.
    Jeanne avait hoché la tête, triste soudain de le quitter. Sa main dégantée s'était envolée pour caresser sa barbe, désordonnée par ces longs jours de voyage. Il avait embrassé cette paume aux plis marqués, asséchée par le froid.
    — Quoi qu'il advienne, n'oubliez jamais que je vous aime, Jeanne. Assez pour vous vouloir heureuse, assez pour vous protéger. Infiniment pour ce que vous êtes ce jourd'hui de courage et d'abnégation.
    Elle l'avait fait taire d'un baiser léger sur les lèvres.
    — Je ne suis qu'une mère aux abois, prête à tout pour sauver sa portée. Rien d'autre. De cela seulement je veux que vous vous souveniez. Allez, à présent. Il est temps, mon mari.
    Il l'avait serrée contre lui.
    — Je vais pousser jusqu'à Sassenage. J'y resterai un jour ou deux. On ne sait jamais. Votre compagnie me fut si douce, qu'elle pourrait me trahir auprès de Marthe. Il vaut mieux que vous soyez en sécurité lorsque je la verrai.
    — Prenez soin de vous, Jacques.
    — Vous aussi.
    Ils s'étaient quittés sur un long regard complice. Heureux l'un et l'autre de ce que leur amour si grand leur avait finalement légué.
    Jacques et son escorte avaient enfilé les gorges, Aymar et elle les avaient quittées pour rejoindre le bois de Claret. De là, ils avaient passé l'Isère à Saint-Quentin. Cinq heures plus tard, Jeanne était en sécurité dans la maison forte de Saint-Pierre-de-Bressieux, composée d'un corps de logis rectangulaire à deux niveaux et d'une tour ronde. Une intendante et un valet l'entretenaient au milieu d'une forêt giboyeuse. Jeanne s'octroya la chambre ronde du dernier étage qui donnait sur la rivière par une belle fenêtre à meneaux.
    Aymar était demeuré avec elle jusqu'au lendemain, goûtant une nouvelle fois au bonheur de presser contre lui son corps alourdi par la grossesse.
    Depuis, et bien qu'il soit retourné à Bressieux, chaque nuit il prenait le passage secret qui reliait les deux bâtisses et venait la retrouver pour une étreinte sage, mais si chaleureuse à leurs cœurs qu'ils en étaient, l'un comme l'autre, comblés.
     
    Ce 23 mars 1485, Jeanne avait dîné d'un civet de lapin. Elle s'était pourléché les babines pour le plus grand contentement de Berthe, avant de finir allègrement une part de tarte.
    Installée dans son lit et adossée à trois oreillers comme chaque soir, elle lisait le Roman de Renart puisé dans la bibliothèque, à la faveur d'une chandelle, en attendant l'homme qu'elle aimait.
    La première contraction fut si brève et si douce qu'elle leva à peine les yeux de son livre. La seconde, en revanche, naquit au creux de son ventre comme le pas d'Aymar de Grolée résonnait dans l'escalier.
    Lorsqu'il passa la porte, Jeanne était debout, en train d'enfiler ses vêtements.
    — Le travail a commencé, lui dit-elle en guise de bienvenue avant même qu'il ait eu le temps de s'en étonner.
    *
    Mounia bâilla avec

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