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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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gros ventre et ses cheveux noués. Oscillant entre la crainte et la surprise, elle se laissa retomber en soupirant sur l'oreiller.
    — Folle, dit-elle, je deviens folle.
    — Non. Point encore, ma fille.
    Philippine se dressa de nouveau, se frotta les paupières, regarda s'asseoir sur le lit, à la toucher, celle qu'elle avait crue si longtemps perdue et sentit naître en elle un élan si puissant qu'il la submergea tout entière.
    — Je te retrouve, enfin ! murmura Jeanne en lui prenant la main, aussi troublée qu'elle.
    Philippine se jeta dans ses bras.
     

39
    Les aiguilles tournaient au cadran de l'horloge. Algonde pourtant ne les regardait plus avec appréhension depuis que Jeanne de Commiers, entre deux contractions, leur avait tout raconté.
    Tandis que cette dernière arrachait Philippine de son lit, la jouvencelle se voyait réveillée de son côté par Aymar de Grolée. Dans un murmure, il lui avait demandé de vitement s'habiller et de le suivre jusqu'à son bureau. Obéissant à son instinct, Algonde était sortie sans bruit de la chambre, laissant Mathieu profondément endormi.
    À cette heure, la quatrième du 24 mars 1485, couchées toutes deux dans des chambres mitoyennes, Philippine et sa mère souffraient pareillement dans la maison pourtant silencieuse.
    Déclencher l'accouchement chez Philippine avait été inutile. À peine sa mère avait-elle terminé son récit dans le bureau que la dame de Bressieux avait poussé un petit cri de surprise en inondant ses linges. Le choc des retrouvailles, associé à ce plan de bataille, avait provoqué la rupture de la poche des eaux.
    Ne restait plus qu'à attendre.
    Algonde savait pouvoir compter sur Elora si besoin était. Pour l'heure, la petiote dormait, veillant à sa manière sur Mayeul, l'enfant de Marie, couché à côté d'elle. Durant la journée, une nourrice se chargeait de l'enfançon dans les communs, afin que sa vue n'indispose pas sa mère. Plus que jamais décidée à nier son existence puisqu'elle avait affirmé à Laurent l'avoir perdu en cours de grossesse, Marie, toute à son bonheur, ne s'occupait plus, depuis la veille, que de ses futures épousailles. Elle sommeillait paisiblement à l'étage au-dessus, tenue comme Mathieu au secret pour le cas où Marthe voudrait à un moment ou à un autre lire en eux.
     
    Si elle n'avait craint de les éveiller tous deux, Philippine, adossée à deux volumineux coussins, se serait volontiers laissée aller à hurler.
    — J'ai mal, grimaça-t-elle en contractant les mâchoires.
    Algonde s'assit près d'elle sur le lit et lui bassina le front d'une serviette humide.
    — Courage. Songe au sacrifice de ta mère et d'Aymar.
    Philippine lui empoigna la main. Haletante, elle la serra à la broyer, gémit entre ses dents serrées.
    — Ça soulage pas… Huuuummmm !
    Algonde lui écarta des yeux une mèche humide de transpiration.
    — Cela fait sept heures à présent. Les contractions sont de plus en plus rapprochées. Ce ne sera plus très long.
    Philippine souffla longuement en décrispant ses doigts et ses traits. Elle la fixa avec des yeux de chien battu.
    — Douze pour Marie… Je ne tiendrai pas si longtemps, Algonde. Va chercher Elora.
    Algonde se mit à rire.
    — Il naîtra avant l'aube, te dis-je. Sans magie et sans cri.
    Philippine bouda.
    — Aimes-tu donc tant me voir souffrir ?
    Algonde lui reprit la main, tapota le dessus.
    — Tu sais bien que non. Mais j'ignore en vérité les effets que peuvent produire les pouvoirs d'Elora. Imagine que Marthe, à la recherche de ton fils, puisse capter la lumière bleue dont il se sera nourri pour venir au monde. Il ne serait plus en sécurité nulle part.
    Philippine baissa la tête sur un soupir. Elle s'était résignée à perdre son fils temporairement pour le confier à la fée Présine, qui, seule, pouvait le sauver. Mais la seule idée que Marthe l'approche, le touche, le pervertisse, lui retournait le ventre. Son visage se tendit. Une nouvelle contraction venait. Algonde avait raison. Elle n'avait d'autre choix que se taire. D'autre choix qu'attendre.
    Elle tiendrait.
     
    De l'autre côté de la cloison, dans sa propre chambre, Aymar était au chevet de Jeanne, comme sa fille remontée contre des oreillers, les genoux écartés et relevés sous le drap.
    Ni ventrière. Ni servante. Nul au château ne devait découvrir sa présence. C'était à ce prix-là que peut-être ils seraient tous épargnés.
    Malgré cela, Jeanne

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