Le Chant des sorcières tome 3

entendra pas.
    Une forte odeur de cire prit Mathieu aux narines. L'endroit servait de réserve de chandelles pour ce corps de bâtiment. Exigu, rarement aéré, il puait.
    Refusant l'angoisse qui lui étreignit la gorge de voir l'huis se refermer sur cette créature, les isolant tous deux dans une nuit d'encre, le jeune homme dressa le menton.
    — Algonde m'a tout raconté. Toute l'histoire.
    — Et tu t'es découvert une âme héroïque, c'est ça ? ricana-t-elle en se plaquant contre lui.
    De nouveau à son bas-ventre, cette poussée irrépressible. Il tenta de la dominer. Plus vite il aurait négocié, plus vite il se sortirait de ce mauvais pas.
    — Je suis prêt à vous livrer l'enfant de la prophétie, lâcha-t-il en détournant la tête pour éviter la contamination de son souffle.
    Surprise, Marthe recula. Autant que le lui permettait l'étroitesse du placard.
    — Toi ? Tu trahirais ta bécaroïlle ?
    — Je ne la trahis pas. Je la sauve, se défendit-il. Vous voulez cet enfant. Moi je veux vivre en paix avec ma fille et Algonde.
    — Ta femme serait plus juste. Ne l'as-tu point épousée en secret ?
    Mathieu ne chercha pas à nier. Marthe avait dû avoir pour elle l'indiscrétion d'un valet.
    — Je convaincrai Algonde de rester avec Philippine après l'accouchement. J'emporterai l'enfant et vous le donnerai. Ensuite vous disparaîtrez. Mélusine restera prisonnière du Furon. Vous regagnerez votre monde et tout sera terminé.
    Marthe opina du menton dans l'obscurité. Ce garçon ne manquait pas de cran, jaugea-t-elle. Sa sincérité ne faisait aucun doute et, somme toute, son argument se tenait. Qu'avait-elle besoin au fond de la mort de Mélusine ? ou de l'assujettissement d'Elora si elle obtenait ce qu'elle voulait ? Le trône des Hautes Terres lui suffisait.
    — Que sais-tu des flacons pyramides ? demanda-t-elle.
    — Le passage d'Avalon est refermé. Vous en aurez besoin de même que de la table de verre pour regagner les Hautes Terres. Mais j'ignore, nous ignorons, où cette dernière a été dissimulée. Si je l'apprends, je vous l'indiquerai.
    Un nouveau silence plomba l'atmosphère viciée du réduit.
    — Dégrafe tes braies, ordonna Marthe. À cette distance, sa magie n'opérait pas.
    — Non.
    — Tu m'appartiens, le Mathieu de Sassenage. Toi et les tiens. Jusqu'à la naissance de l'enfant velu. Tu veux la paix ? Moi je veux ta soumission en échange.
    — Non, essaya-t-il encore. J'appartiens à Algonde. À elle seule.
    Elle s'approcha. Acculé à une rangée d'étagères couvertes de chandelles, il ne pouvait fuir.
    — As-tu connu plaisir plus grand que ce jour-là? J'en doute puisque ton ventre s'en souvient. Allons, donne-moi ce que je veux et ton Algonde vivra, je t'en fais la promesse.
    — Plus jamais vous ne vous en prendrez à elle ?
    — Cesse donc de tergiverser et jouis de moi. Contrairement à ce que tu penses, c'est un grand cadeau que je te fais.
    Mathieu perçut le raclement des ongles noirs contre son bas-ventre. Enflammé aussitôt, son vit se tendit à se rompre. Il poussa un gémissement de douleur et tout autant de désir sauvage. Quel venin lui avait donc inoculé cette créature à Sassenage pour déclencher encore pareil incendie ? Éperdu de honte et de dégoût mais incapable de résister plus longtemps à l'impériosité de l'appel, il se rua sur elle et la plaqua contre la porte. L'instant d'après, il la dévastait de coups de reins comme un loup assoiffé de sang dévorerait un agneau.
     
    Ce 16 juin, Algonde rentra tourmentée de son expédition nocturne. Forte de ce que lui avait demandé Mélusine concernant l'œuf noir, elle s'était rendue au pigeonnier en ruine situé au nord de la première cour extérieure, à un quart de lieue du château. Le coffret était bien à l'endroit où elle l'avait dissimulé quelques mois plus tôt mais quelqu'un, Marthe à n'en pas douter, s'était occupé de l'œuf à sa place. Dans la boîte dissimulée au creux d'une niche du mur circulaire se trouvait à présent un flacon de verre rectangulaire ne contenant plus qu'une cuillerée de poudre noire et nauséabonde. Passant de la perplexité à la réflexion, Algonde finit par en conclure que le restant avait dû être mélangé à la potion qui avait déclenché ses couches. Marthe avait sans doute voulu s'assurer qu'elle l'absorberait. Si cela expliquait bien des choses, il n'en restait pas moins qu'Algonde était furieuse de s'être laissé