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Le chant du départ

Le chant du départ

Titel: Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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malheur. Vérité, franchise sans bornes… Joséphine ! Joséphine ! Souviens-toi de ce que je t’ai dit quelquefois ; la nature m’a fait l’âme forte et décidée ; elle t’a bâtie de dentelles et de gaze. As-tu cessé de m’aimer ?… Adieu, adieu, je me couche sans toi, je dormirai sans toi. Je t’en prie, laisse-moi dormir. Voilà plusieurs nuits où je te sens dans mes bras. Songe heureux, mais ce n’est pas toi ! »
    Il va et vient dans la pièce, comme pour se détacher de cette obsession qui s’accroche à lui, le harcèle. Que fait-elle ? Pense-t-elle à lui ?
    La peau à nouveau le brûle.
    Il ouvre la porte. Qu’on appelle ses aides de camp.
     
    Le lendemain matin, les troupes sont rassemblées. Il entend, en arrivant, un murmure. Il voit les rangs onduler parce que les soldats se penchent pour l’apercevoir. Les tenues sont disparates. Même les officiers, en avant de leurs hommes, ont des allures de brigands.
    La rumeur ne cesse pas quand il s’approche des premiers rangs. C’est une nouvelle épreuve de force. Il tire sur les rênes de son cheval, se cambre. Il domine ce moutonnement d’hommes qui tournent leurs visages vers lui. Il faut de cette foule faire une armée. Il a dû accomplir la même transformation à Toulon. Mais ici la tâche est plus rude, plus grande. Il est le général en chef.
    — Soldats, lance-t-il, vous êtes nus, mal nourris ; le gouvernement vous doit beaucoup, il ne peut rien vous donner.
    La rumeur enfle. Il est sur cette mer et il doit tenir la barre.
    — Votre patience, le courage que vous montrez au milieu de ces rochers sont admirables, reprend-il. Mais ils ne vous procurent aucune gloire, aucun éclat ne rejaillit sur vous.
    Le bruit s’apaise. On l’écoute.
    — Je veux…
    Du regard il parcourt l’étendue sombre où le soleil fait briller les canons des fusils.
    — Je veux vous conduire dans les plus fertiles plaines du monde. De riches provinces, de grandes villes seront en votre pouvoir…
    Il reprend :
    — Votre pouvoir.
    Sur la place, entre les maisons aux façades ocre, c’est maintenant le silence.
    — Vous y trouverez honneur, gloire et richesses.
    Il répète : « Richesses. »
    — Soldats d’Italie, manqueriez-vous de courage et de constance ?
    Son cheval piaffe. Le silence tout à coup est rompu. La mer enfle d’une rumeur confuse où il lui est impossible de distinguer l’adhésion ou le refus.
    Le soir, assis en face du général Schérer auquel il succède, il écoute l’officier lui exposer dans le détail la situation sur les différents fronts. Puis Schérer commente la proclamation de la matinée. « Les hommes ont bien réagi », dit-il.
    Comment peut-on se contenter d’une incertitude ?
    Il faut qu’une troupe soit liée à son chef comme les planètes au soleil.
    Comment compter sur elle si chaque homme, chaque unité, chaque officier n’en fait qu’à sa guise, pense d’abord à lui au lieu d’obéir ?
     
    Toute la nuit ne suffit pas à calmer Napoléon.
    Au matin, quand Berthier lui annonce que le 3 e bataillon de la 209 e demi-brigade, campée sur la place de la République, est en train de se mutiner, il bondit.
    Suivi par ses aides de camp, il se précipite dans l’escalier, court les rues, se trouve face à ces soldats mutinés et à ces officiers hésitants.
    Mourir plutôt que d’accepter l’insubordination.
    Un vieux soldat qui n’ose pas le regarder lance :
    — Il nous la fout belle avec ses plaines fertiles ! Qu’il commence donc par nous donner des souliers pour y descendre !
    Napoléon s’avance, seul au milieu de la troupe. Il est comme une lame affûtée qui s’enfonce dans une chair molle.
    — Vous ferez traduire devant un conseil militaire les grenadiers, auteurs de la mutinerie…, commence-t-il. Vous ferez arrêter le commandant. Les officiers et les sous-officiers qui sont restés dans les rangs sans parler sont tous coupables…
    Les murmures cessent, les soldats s’alignent. Les officiers baissent la tête.
    Maintenant, je peux vaincre .
     
    Le 2 avril 1796, il se met en route vers Villefranche. Après quelques centaines de mètres, il s’arrête devant une demeure, située au centre d’un jardin. Les troupes passent, marchant d’un bon pas. Il a pris ces hommes en main. Ils vont se battre, ils vont accepter de mourir. Hier, il a fait fusiller des maraudeurs et distribuer de l’eau-de-vie, des louis d’or aux généraux.
    La porte de la demeure s’ouvre. C’est le comte

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