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Le chant du départ

Le chant du départ

Titel: Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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fasciné.
    — Six ans, Bourrienne, ou bien peu de mois, tout dépend des événements.
    Il s’assombrit. Que se passera-t-il à Paris alors qu’il sera éloigné de cette ville où son destin se joue ?
    — Oui, murmure-t-il, j’ai tout tenté. Ils ne veulent pas de moi.
    Il se remet à marcher, frappant durement le sol du salon de son hôtel particulier de la rue de la Victoire.
    — Il faudrait les renverser, reprend-il d’une voix forte, et me faire roi. Mais il n’y faut pas songer encore. Les nobles n’y consentiraient jamais. J’ai sondé le terrain. Le temps n’est pas venu. Je serai seul, Bourrienne. Je dois éblouir encore ces gens-là.
    Il fixe le départ aux premiers jours de mai 1798, à Toulon, où l’on rassemble les navires venus de tous les ports de la Méditerranée sous contrôle français, de Trieste à Gênes et à Nice.
    Les journaux annoncent même le 25 avril que « le général Bonaparte a quitté Paris le 3 Floréal – 22 avril – à minuit après avoir pris congé des Directeurs à trois heures, et avoir dîné chez le Directeur Barras, avec lequel il a assisté à la représentation de Macbeth au théâtre Feydeau ».
     
    Si Napoléon est bien assis en face des Directeurs ce 23 avril, ce n’est pas pour les saluer, mais au contraire pour remettre en cause son départ.
    La veille, alors qu’il surveillait les derniers préparatifs de son voyage, un courrier venu de Vienne s’est présenté rue de la Victoire. Le message est bref : l’hôtel du général Bernadotte, dans la capitale de l’empire d’Autriche, a été envahi par la foule et saccagé. Les membres de l’ambassade de France ont dû se défendre. Bernadotte a quitté Vienne.
    Est-ce la guerre avec l’Autriche qui recommence ? Est-ce là l’événement qui va permettre d’agir ?
    Toute la nuit, Napoléon réfléchit. Il peut se présenter comme l’homme capable d’empêcher la réouverture des hostilités. Il peut se rendre à Rastadt, renouer avec le comte de Cobenzl, et revenir à Paris avec la paix consolidée. Mieux vaut Rastadt que l’Égypte !
    Il lance des courriers vers l’Italie. Qu’on n’embarque pas les troupes à Gênes, qu’on attende.
    Il se rend auprès des Directeurs. Ils écoutent Napoléon qui se fait fort, s’il est envoyé à Rastadt avec les pleins pouvoirs, de régler l’incident. Talleyrand l’appuie. Napoléon insiste.
    Peut-être tient-il là sa chance. Peut-être doit-il tout risquer plutôt que de s’éloigner. Peut-être doit-il bousculer les Directeurs, prendre le pouvoir maintenant.
    Le 28 avril, Barras se présente rue de la Victoire.
    Napoléon regarde cet homme qu’il a jaugé, flatter Joséphine puis s’avancer, chuchoter que le Directoire souhaite un départ pour l’Égypte sans délai. Qu’il n’est plus question d’une mission à Rastadt.
    Ils ont donc choisi.
    Encore quelques heures de doute, puis Napoléon prend la décision. Il partira. Le télégraphe transmet les ordres. Les courriers s’élancent. Et la machine de l’expédition se remet en marche.
    Le 5 mai, Napoléon annonce à ses proches qu’il quittera Paris pour l’Égypte. On prépare déjà la grosse berline recouverte d’une « vache », sorte de bâche qui protège les malles. Marmont, Bourrienne, Duroc et Lavalette y prendront place.
    Joséphine s’est avancée. Napoléon la regarde en silence. Elle sera du voyage, dit-elle.
    Arnault entre dans le salon, s’emporte.
    — Le Directoire veut vous éloigner… La France veut vous garder, lance-t-il à Napoléon. Les Parisiens vous reprochent votre résignation. Ils crient plus fort que jamais contre le gouvernement. Ne craignez-vous pas qu’ils finissent par crier contre vous ?
    Qu’y a-t-il de plus versatile, de plus imprévisible, de moins digne de confiance qu’une foule ?
    — Les Parisiens, répond Napoléon, crient mais ils n’agiraient pas. Ils sont mécontents mais ils ne sont pas malheureux.
    Il sourit, fait quelques pas.
    — Si je montais à cheval, reprend-il, personne ne me suivrait.
    Puis, d’un ton de commandement, il ajoute :
    — Nous partirons demain.
     
    À trois heures du matin le 6 mai 1798, on quitte Paris. On chevauche le plus souvent sous des pluies d’orage.
    Dans la berline, on se tait. Les cahots poussent souvent les occupants les uns contre les autres. Joséphine dort. Napoléon, les yeux ouverts, paraît ne pas avoir besoin de sommeil.
    Sa vie roule, personne ne peut plus l’arrêter.
    Un choc

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