LE CHÂTEAU DANGEREUX
évidemment infère un relâchement de discipline, sera faite sans nécessité, surtout quand il faudrait réclamer l’assistance d’un grand nombre d’Écossais, dont les mauvaises dispositions à notre égard ne sont que trop bien connues ; et je ne souffrirai pas, quoique mon âge ait pu m’exposer à un pareil soupçon, qu’on m’impute aucune chose de cette espèce. Et si malheureusement, quoique à coup sûr j’ignore pourquoi, nous devons à l’avenir rompre ces liens de familiarité amicale qui nous unissaient l’un l’autre, je ne vois pas le motif qui nous empêcherait de nous comporter dans nos relations nécessaires comme il convient à des chevaliers et à des gentilshommes, et d’interpréter l’un l’autre nos motifs dans le sens le plus favorable, puisqu’il n’existe pas de raison pour penser mal des mesures qui peuvent provenir ou de vous ou de moi. »
« Vous pouvez avoir raison, sir Aymer de Valence, répliqua le gouverneur s’inclinant d’un air raide ; et puisque vous dites qu’il ne doit plus exister d’amitié entre nous, vous pouvez être certain pourtant que je ne permettrai jamais à un sentiment haineux, dont vous soyez l’objet, d’entrer dans mon cœur. Vous avez été long-temps, et non, je l’espère, sans en retirer quelque fruit, mon élève à l’école de la chevalerie ; vous êtes le plus proche parent du comte de Pembroke, mon cher et constant protecteur ; et si on pèse bien toutes ces circonstances, elles forment entre nous une relation qu’il serait bien difficile, pour moi du moins, de rompre à tout jamais… Si vous croyez être, comme vous le donnez à entendre, moins strictement lié par d’anciennes obligations, il vous faut régler comme il vous plaira nos rapports de l’avenir l’un à l’égard de l’autre. »
« Je ne puis que répondre, dit de Valence, que ma conduite sera naturellement réglée d’après la vôtre ; et vous ne pouvez, sir John, souhaiter plus ardemment que moi que nous puissions remplir convenablement nos devoirs militaires, sans songer aux relations d’amitié qui existèrent entre nous. »
Les chevaliers se séparèrent alors après une conférence qui avait failli une ou deux fois se terminer par une franche et cordiale explication ; mais il fallait encore que l’un ou l’autre prononçât un de ces mots qui partent du cœur pour rompre, si on peut s’exprimer ainsi, la glace qui se formait si vite entre leurs deux amitiés, et ni l’un ni l’autre ne voulut être le premier à faire les avances nécessaires avec une cordialité suffisante, quoique chacun d’eux l’eût fait volontiers, s’il eût pressenti que l’autre s’avancerait de son côté avec la même ardeur ; mais leur orgueil fut trop grand et les empêcha de dire des choses qui auraient pu les remettre tout de suite sur le pied de la franchise et de la bonne intelligence. Ils se séparèrent donc sans qu’il fût davantage question de la partie de plaisir projetée, jusqu’à ce que sir Aymer de Valence reçût un billet dans les règles où il était prié de vouloir bien accompagner le commandant du château de Douglas à une grande partie de chasse où l’on devait attaquer les bestiaux sauvages.
L’heure du rendez-vous était fixée à six heures du matin, et le lieu de réunion était la porte de la barricade extérieure. La chose fut annoncée comme devant finir dans l’après-midi, lorsque le rappel serait sonné, sous le grand chêne connu par le nom de massue de Sholto , arbre remarquable qui s’élevait à un endroit où la limite de la vallée de Douglas était marquée par de chétifs arbrisseaux qui bordaient le pays de forêts et de montagnes. L’avertissement d’usage fut envoyé aux vassaux ou paysans du district ; et, malgré leur sentiment d’antipathie, ils le reçurent en général avec plaisir, d’après le grand principe d’Épicure… carpe diem… c’est-à-dire qu’en quelque circonstance qu’on se trouve placé, il ne faut jamais laisser échapper l’occasion de se divertir. Une partie de chasse avait encore ses attraits, alors même qu’un chevalier anglais cherchait son plaisir dans les bois des Douglas.
Il était sans doute affligeant pour ces fidèles vassaux de reconnaître un autre seigneur que le redoutable Douglas, et de traverser forêts et rivières sous les ordres d’officiers anglais et dans la compagnie de leurs archers qu’ils regardaient comme leurs ennemis
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