LE CHÂTEAU DANGEREUX
moment ils ressentent toute l’ardeur du plus hardi cavalier qui fait partie de la troupe. Que les personnes qui ont assisté à ce spectacle rappellent à leur imagination l’ardeur et l’intérêt qu’elles ont vu se répandre dans un village au passage d’une chasse, depuis le plus vieux jusqu’au plus jeune des habitans. Alors aussi qu’on se souvienne des vers de Wordsworth :
Debout, prends ton bâton, en avant, Timothée,
Pas une ame au village à présent n’est restée ;
Le lièvre a d’Hamilton déserté le coteau,
Et la meute en émoi va courir le skidau.
Mais comparez ces sons inspirateurs au vacarme de toute une population féodale se livrant à un tel exercice, d’une population dont la vie, au lieu de s’écouler dans les travaux monotones des professions modernes, a été continuellement agitée par les hasards de la guerre et par ceux de la chasse, qui n’en diffère guère, et il faudra nécessairement que vous supposiez que l’élan se communique comme un incendie dévorant des bruyères sèches. Pour nous servir de l’expression commune, empruntée à un autre amusement, tout est poisson, qui vient dans le filet en pareilles occasions. Une ancienne partie de chasse, sauf la nature du carnage, ressemblait presque à une bataille moderne, lorsque l’engagement a lieu sur un terrain inégal et varié dans sa surface. Tout un district versait ses habitans, qui formaient un anneau d’une grande étendue ; puis, avançant et rétrécissant leur cercle par degrés, ils chassaient devant eux toute espèce de gibier. Tous ces animaux, lorsqu’ils s’élançaient d’un taillis ou d’un marécage, étaient attaqués à coups de flèches, de javelines, et d’autres projectiles dont les chasseurs étaient armés tandis que d’autres étaient poursuivis et lassés par d’énormes chiens, ou plus souvent mis aux abois quand les personnages les plus importans qui honoraient la chasse de leur présence réclamaient pour eux-mêmes le plaisir de porter le coup mortel, voulant courir le danger personnel qui résulte toujours d’un combat à mort, même avec le daim timide lorsqu’il est réduit à la dernière extrémité, et qu’il n’a plus de choix qu’entre renoncer à la vie, ou se mettre sur la défensive à l’aide de son bois élevé et, avec tout le courage du désespoir.
La quantité de gibier qu’on trouva en cette occasion dans la vallée de Douglas fut considérable ; car, comme nous l’avons déja remarqué, il y avait long-temps qu’une grande chasse n’avait été faite par les Douglas eux-mêmes, dont les infortunes avaient commencé, quelques années auparavant, avec celles de leur pays. La garnison anglaise ne s’était pas jusqu’alors jugée en nombre et en forces pour exercer ces grands priviléges féodaux. Cependant le gibier s’était considérablement multiplié. Les cerfs, les bestiaux sauvages, les sangliers s’étaient établis au pied des montagnes, et faisaient de fréquentes irruptions à la partie basse de la vallée, qui, dans la vallée de Douglas, ressemblait beaucoup à une oasis entourée de bois taillis et de marécages, de landes et de rochers, montrant des traces manifestes de la domination humaine, à laquelle les animaux sauvages sont contens d’échapper lorsqu’ils sont pressés par le voisinage de l’homme.
Tandis que les chasseurs traversaient les lieux qui séparaient la plaine du bois, il y avait toujours une stimulante incertitude pour savoir quelle espèce de gibier on allait rencontrer, et les tireurs, avec leurs arcs tendus d’avance, leurs javelines mises en arrêt, leurs bons chevaux bien bridés et toujours aiguillonnés de manière à partir soudain, observaient attentivement les pièces qui allaient s’élancer du couvert, de sorte qu’ils fussent toujours prêts, soit qu’un sanglier, un loup, un taureau sauvage, ou toute autre espèce de gibier, vînt à leur passer sous les yeux.
Le loup, qui, à cause de ses ravages, est le plus nuisible des animaux de proie, ne présentait cependant pas toujours le degré de plaisir que son nom promettait ; il s’enfuyait ordinairement au loin, quelquefois à plusieurs milles, avant de trouver assez de courage pour attaquer ses ennemis, et, quoique redoutable alors, quoique donnant la mort aux chiens et aux hommes par ses terribles morsures, parfois cependant on le méprisait plutôt à cause de sa lâcheté. Le sanglier, au contraire, était un animal beaucoup
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