LE CHÂTEAU DANGEREUX
partie de la nuit. Les hommes du poste murmurèrent une excuse, mais d’un air confus qui semblait dire que ce n’était pas trop à tort qu’on les réprimandait.
Sir Aymer poursuivit alors sa route vers Hazelside, sa suite se trouvant diminuée de Fabian et des deux cavaliers qui le secondaient. Après une course rapide mais longue, le chevalier mit pied à terre devant la maison de Thomas Dickson, où il trouva le détachement venu d’Ayr qui était arrivé avant lui, et avait déja établi ses quartiers. Il envoya un des archers annoncer à l’abbé de Sainte-Bride et à son jeune hôte qu’il allait se rendre au couvent, prévenant en même temps l’archer qu’il eût à veiller sur le dernier, jusqu’à ce qu’il arrivât lui-même à l’abbaye, ce qui ne serait pas long.
CHAPITRE X.
Le Pèlerin.
Quand le rossignol chante, les bois devenus verts, les feuilles, le gazon et les fleurs en avril, tout s’enflamme en moi ; et l’amour qui s’empare de mon cœur le presse si vivement que mon sang bout nuit et jour, que mon cœur ne me laisse pas de repos.
Manuscrit cité par Warton.
Sir Aymer de Valence, suivant son archer de près, ne fut pas plus tôt arrivé au couvent de Sainte-Bride, qu’il manda l’abbé devant lui. Le saint personnage se présenta avec l’air d’un homme qui aime ses aises, et qui vient d’être inopinément arraché de la couche où il goûtait un bienheureux repos, par ordre d’un individu auquel il ne croit pas pouvoir impunément désobéir, et à qui il ne déguiserait pas sa mauvaise humeur, s’il l’osait.
« Il se fait tard, dit-il, pour que votre honneur vienne encore du château ici. Puis-je savoir la cause qui vous amène, après la détermination si récemment prise avec le gouverneur ? »
« J’espère, répliqua le chevalier, que vous n’en êtes point déja instruit, père abbé : on soupçonne (et j’ai moi-même vu cette nuit des choses qui confirment ces soupçons) que certains des vieux entêtés de ce pays s’occupent encore de manœuvres coupables qu’ils dirigent contre le château ; et je viens ici, père, pour voir si, en reconnaissance des nombreuses faveurs que vous avez reçues du monarque anglais, vous ne mériterez pas sa bonté et sa protection en nous aidant à découvrir les desseins de ses ennemis. »
« Assurément si, répliqua le père Jérôme d’une voix troublée, très indubitablement, tout ce que je puis savoir est à vos ordres… en supposant que je sache quelque chose dont la communication puisse vous être utile. »
« Père abbé, reprit le chevalier anglais, quoiqu’il soit téméraire à moi d’oser répondre dans ces temps d’un homme qui a le Nord pour patrie, j’avoue néanmoins que je vous considère comme un fidèle sujet du roi d’Angleterre, et je souhaite bien sincèrement que vous persistiez dans votre fidélité. »
« Et l’on m’y encourage singulièrement répliqua l’abbé ; on m’arrache à minuit de mon lit, par un temps froid comme il en fut jamais, pour subir l’interrogatoire d’un chevalier, qui peut-être est le plus jeune de son très honorable ordre, qui ne veut pas me dire le sujet de ses questions, mais me retient sur ce froid pavé jusqu’à ce que, suivant l’opinion de Celse, la goutte, qui est cachée dans mes pieds, puisse remonter à mon estomac, et alors bonsoir à mon titre d’abbé et à vos interrogations pour toute l’éternité. »
« Bon père, dit le jeune homme, la nature des temps doit vous enseigner à être patient. Rappelez-vous que je n’éprouve aucun plaisir à m’acquitter des fonctions que je remplis en ce moment, et que, si une insurrection avait lieu, les rebelles, qui vous en veulent passablement pour avoir reconnu le monarque anglais, vous pendraient à votre propre clocher pour servir de pâture aux corbeaux ; ou que si vous avez fait votre paix avec les insurgés, par quelque convention privée, le gouverneur anglais, qui tôt ou tard finira par s’emporter, ne manquera point de vous traiter comme rebelle envers son souverain. »
« Il peut vous sembler, mon noble fils, répondit l’abbé dont le trouble augmentait toujours, que je sois en ce cas pendu aux cornes du dilemme que vous avez posé : néanmoins, je vous assure que si on m’accuse de conspirer avec les rebelles contre le roi d’Angleterre, je suis prêt, pourvu que vous me donniez le temps d’avaler une potion recommandée par Celse dans le cas
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