LE CHÂTEAU DANGEREUX
lui semblera ; et il n’est pas homme à croire aux apparitions et aux ombres qui sortent du purgatoire… Holà ! hé ! Fabian, par ici ! et amène avec toi deux archers de la garde. »
Fabian, qui attendait à l’entrée de l’édifice en ruines, y pénétra donc alors, grace à la lumière que répandait la lampe du fossoyeur et de la voix de son maître, dans le singulier appartement du vieillard, dont l’étrange décoration n’inspira point aux jeune homme moins de surprise que d’horreur.
« Prends deux archers avec toi, Fabian, dit le chevalier de Valence, et, avec leur assistance, conduis ce vieillard, à cheval ou dans une litière, devant le digne sir John de Walton ; dis-lui ce que nous avons vu, ce dont tu as été témoin aussi bien que moi ; et instruis-le que ce vieux fossoyeur, que je lui envoie pour qu’il l’interroge avec sa sagesse supérieure, semble en savoir plus qu’il n’est disposé à en dire sur le cavalier-spectre qui nous a apparu, quoiqu’il se borne à répondre, quand je lui adresse des questions, que c’est l’esprit de quelque vieux Douglas échappé du purgatoire, conte auquel sir John de Walton ajoutera telle foi qu’il voudra. Vous pouvez dire que, pour ma part, je crois ou que le fossoyeur a perdu la tête de vieillesse, d’indigence et d’enthousiasme, ou qu’il n’est pas innocent d’un complot qui se trame parmi les gens du pays ; vous pourrez encore dire que je n’userai pas de beaucoup de cérémonie à l’égard du jeune homme confié aux soins de l’abbé de Sainte-Bride : il y a quelque chose de suspect dans ce qui se passe actuellement autour de nous. »
Fabian promit d’exécuter fidèlement les ordres du chevalier, qui le prenant à l’écart, lui recommanda en outre de se conduire avec circonspection dans cette affaire, attendu qu’il ne devait pas oublier que le gouverneur ne paraissait point faire grand cas de son jugement ni de celui de son maître ; et qu’il leur serait extrêmement désagréable de commettre une bévue dans une affaire où il s’agissait peut-être de la sûreté du château. »
« Ne craignez rien, mon digne maître, répliqua le jeune homme. Je vais en premier lieu retrouver un air pur, et en second un bon feu, deux échanges fort agréables contre ce cachot rempli de vapeurs suffocantes et d’exécrables odeurs. Vous pouvez être sûr que je ne perdrai pas de temps : je serai bientôt de retour au château de Douglas, en marchant même avec toute l’attention convenable aux os de ce vieillard. »
« Traite-le humainement, reprit le chevalier ; et toi, vieillard, si tu es insensible à toute menace de danger personnel dans cette affaire, songe que, si on te surprend à biaiser avec nous, ton châtiment sera peut-être plus sévère qu’aucun que nous puissions infliger à ton corps. »
« Pouvez-vous donc administrer la torture à l’ame ? » dit le fossoyeur.
« Oui, pour toi, répondit le chevalier, nous le pouvons… Nous détruirons tous les monastères, tous les établissemens religieux fondés pour le repos des ames des Douglas, et nous ne permettrons aux ecclésiastiques de demeurer ici qu’à la condition qu’ils prieront pour l’ame du roi Édouard I er , de glorieuse mémoire, le malleus Scottorum ; et si les Douglas sont privés des avantages spirituels qu’ils retirent des prières et des services qu’on célèbre à tous ces autels, ils pourront s’en prendre à ton obstination. »
« Une pareille vengeance, répliqua le vieillard du ton hardi et hautain qu’il avait pris dès le commencement, serait plus digne des démons infernaux que de chrétiens. »
L’écuyer leva la main sur lui ; le chevalier le retint. « Épargne-le, Fabian, dit-il ; il est bien vieux, et peut-être insensé… Et vous, fossoyeur, souvenez-vous que la vengeance dont je vous menace est légalement dirigée contre une famille dont les membres ont été les soutiens obstinés du rebelle excommunié qui assassina Comyn-le-Roux à la haute église de Dumfries {17} . »
En parlant ainsi, Aymer sortit des ruines, trouvant son chemin avec quelque peine… prit son cheval qu’il rencontra à l’entrée, recommanda de nouveau à Fabian de se conduire avec prudence, et, en passant par la porte du sud-ouest, donna les ordres les plus rigoureux de faire bonne garde, tant par des patrouilles que par des sentinelles, ajoutant qu’ils devaient s’être négligés pendant la première
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