LE CHÂTEAU DANGEREUX
aux préceptes de sainte Bride, qui ne vous donne aucune autorité pour retenir les personnes de force dans votre couvent, si elles n’ont pas irrévocablement prononcé les vœux de l’ordre.
« Quant à vous, sir John de Walton et sir Aymer de Valence, chevaliers d’Angleterre, commandant la garnison du château de Douglas, j’ai seulement à vous dire que vous avez agi, et que vous agissez encore contre moi au milieu d’un mystère dont la solution dépend d’un secret qui n’est connu que de mon fidèle ménestrel, Bertram aux lais nombreux, dont j’ai jugé convenable de me faire passer pour le fils. Mais comme je ne puis, à cette heure, me résoudre personnellement à découvrir un secret qui ne saurait être par moi dévoilé par un sentiment de honte, je donne non seulement permission au susdit Bertram le ménestrel, mais encore je lui enjoins et lui ordonne de vous dire dans quel but j’ai dirigé mes pas vers le château de Douglas. Quand ce secret sera connu, il ne restera qu’à exprimer mes sentimens à l’égard des deux chevaliers en retour des peines et des chagrins qu’ils m’ont causés par leurs violences et leurs menaces de rigueurs encore plus sévères.
« Et d’abord, relativement à sir Aymer de Valence, je lui pardonne volontiers et sincèrement une erreur dans laquelle j’ai moi-même contribué à le faire tomber, et ce sera toujours avec plaisir que je le reverrai comme ami ; de plus, je ne penserai jamais à l’histoire de ces quelques jours que pour en rire et m’en amuser.
« Mais relativement à sir John de Walton, je dois le prier de réfléchir si sa conduite à mon égard, vu les relations qui existent actuellement entre nous, est telle qu’il la puisse oublier, ou que je doive la pardonner ; et j’espère qu’il me comprendra lorsque je lui dis que tout rapport doit désormais cesser entre lui et le prétendu AUGUSTIN. »
« C’est de la folie, s’écria l’abbé après avoir lu la lettre… de la vraie folie, de mi-été, folie qui accompagne assez fréquemment cette maladie pestilentielle, et je ferais bien de recommander aux soldats qui rattraperont ce jeune Augustin de le mettre immédiatement au pain et à l’eau, et d’avoir bien soin qu’on ne lui laissé manger absolument que ce qui est nécessaire pour entretenir la vie ; même je ne serais sans doute pas désapprouvé par les doctes si je conseillais de temps à autre quelques flagellations avec courroies, ceintures et sangles, ou si c’était trop peu avec de véritables fouets, de bonnes houssines, etc. »
« Paix ! mon révérend père, dit de Valence, je commence à y voir clair. John de Walton, si mes soupçons étaient vrais, préférerait s’exposer à ce que ses os fussent dépouillés de leurs chairs à consentir à ce qu’un doigt de cet Augustin fût piqué par un moucheron. Au lieu de traiter ce jeune homme de fou, moi je me contenterai, pour ma part, d’avouer que j’ai été le jouet d’un ensorcellement, d’un charme ; et, sur mon honneur, si j’envoie mes gens courir sur les traces des fugitifs, ce sera en leur recommandant, bien, lorsqu’ils les auront saisis ; de les traiter avec respect, et de les protéger s’ils refusent de revenir en cette maison jusqu’à tel lieu de refuge honnête qu’ils pourront choisir. »
« J’espère, répliqua l’abbé qui avait l’air étrangement confus, que je serai d’abord entendu dans l’intérêt de l’Église, touchant cette affaire d’une nonne, enlevée ? Vous voyez vous-même, sir chevalier, que ce freluquet de ménestrel ne montre ni repentir ni contrition de la part qu’il a prise à cette méchante action. »
« On vous mettra à même d’être entendu tout au long, répliqua le chevalier, pour peu que vous en conserviez le désir. En attendant, il faut que je retourne au château, sans perdre un instant, informer sir John de Walton de la tournure qu’ont prise les affaires. Adieu, révérend père ; sur mon honneur, nous pouvons nous applaudir l’un l’autre d’être débarrassés d’une ennuyeuse commission, qui nous a apparu entourée d’autant de terreurs que les fantômes d’un songe terrible, et dont cependant les terreurs peuvent être dissipées par le simple fait de réveiller le dormeur. Mais, par Sainte-Bride tout ecclésiastique ; tout laïque doit prendre en commisération l’infortuné sir John de Walton. Je vous dis, père, que si cette lettre, ajouta-t-il en la
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