LE CHÂTEAU DANGEREUX
user envers elle, étaient une espèce d’excuse à ses scrupules de femme, pour se présenter devant son amant, du moins dans leur première entrevue, sous un déguisement qu’elle sentait n’être ni extrêmement convenable ni d’accord avec la dignité de son sexe.
Un instant après que ces pensées eurent occupé son esprit, on entendit le galop d’un cheval qui approchait ; et sir John de Walton, arrivant au milieu des arbres, aperçut sa fiancée, captive, à ce qui lui sembla, entre les mains d’un bandit écossais, qui ne lui était connu que par un premier trait d’audace durant la partie de chasse.
La surprise et la joie ne permirent au chevalier que de s’écrier aussitôt : « Coquin ! lâche cette femme ! ou meurs dans tes profanes efforts pour gêner les mouvemens d’un être auquel le soleil lui-même, le soleil du ciel, serait fier d’obéir. » En même temps, craignant que le chasseur n’entraînât la dame hors de sa vue, au moyen de quelque sentier difficile, semblable à celui qui une première fois lui avait permis de s’évader, sir John de Walton laissa tomber sa lourde lance, que les arbres ne lui permettaient pas de manier avec aisance, et, sautant à bas de son cheval, s’approcha de Turnbull l’épée nue.
L’Écossais, tenant encore de la main gauche le manteau de la dame, leva de la droite sa hache d’armes, ou hache de bois de Jedwood, pour parer et rendre le coup de son antagoniste ; mais Augusta prit la parole.
« Sir John de Walton, dit-elle, au nom du ciel, gardez-vous de toute violence, jusqu’à ce que vous connaissiez le but pacifique qui m’amène ici, et par quels moyens paisibles ces guerres peuvent enfin se terminer. Cet homme, quoique votre ennemi, a été pour moi un gardien civil et respectueux ; et je vous conjure de l’épargner jusqu’à ce qu’il ait dit pour quel motif il m’a conduite en ces lieux. »
« Contrainte et lady de Berkely sont deux mots que le seul fait de prononcer ensemble suffirait pour justifier la mort de celui qui les aurait prononcés ! dit le gouverneur du château de Douglas ; mais vous me l’ordonnez, noble dame, et j’épargne sa vie insignifiante, quoique j’aie des sujets de plainte contre lui, dont le moindre, s’il avait mille vies, mériterait qu’il les perdît toutes. »
« John de Walton, répliqua Turnbull, cette dame sait bien que si cette entrevue se passe sans effusion de sang, ce ne sera point parce que j’ai peur de toi ; et si je n’étais pas retenu par d’autres grandes considérations, non moins importantes à Douglas qu’à toi-même, je ne balancerais pas plus à te provoquer en face et à soutenir les efforts de ta rage, que je ne balance en ce moment à mettre de niveau avec la terre ce rejeton qui en sort. »
En parlant ainsi, Michel Turnbull leva sa hache et abattit d’un chêne voisin une branche presque aussi grosse que le bras, qui, avec tous ses rameaux et ses feuilles, tomba à terre entre de Walton et l’Écossais, donnant une preuve irrécusable de la bonté de son arme, ainsi que de la force et de l’adresse avec lesquelles il s’en servait.
« Qu’il y ait donc trève entre nous, mon camarade, dit sir John de Walton, puisque le bon plaisir de cette dame est qu’il en soit ainsi, et fais-moi connaître ce que tu as à me dire relativement à elle. »
« À ce sujet, dit Turnbull, mes paroles seront brèves ; mais fais-y bien attention, sir Anglais. Lady Augusta Berkely, courant dans ce pays, est devenue prisonnière du noble lord de Douglas, légitime héritier du château et du titre de ce nom, et il se voit obligé de mettre à la liberté de cette dame les conditions suivantes, qui sont sous tous les rapports telles que le droit de la guerre, juste et équitable, permet à un chevalier d’en imposer ; à savoir : en tout honneur et toute sûreté, lady Augusta sera remise à sir John de Walton ou à toute autre personne qu’il désignera pour la recevoir ; d’autre part, le château de Douglas lui-même, ainsi que tous les avant-postes et les garnisons qui en dépendent seront évacués et rendus par sir John de Walton dans l’état actuel et contenant toutes les munitions, toute l’artillerie qui sont maintenant dans ses murs ; et l’espace d’un mois de trève sera accordé à sir James Douglas et à sir John de Walton pour régler les termes de la capitulation de part et d’autre, après avoir préalablement engagé leur parole
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