LE CHÂTEAU DANGEREUX
de chevaliers et promis avec serment que dans l’échange de l’honorable dame pour le susdit château réside l’essence du présent contrat, et que tout autre sujet de dispute sera, suivant le bon plaisir des nobles chevaliers sus-dénommés, honorablement décidé entre eux ; ou même, s’ils le désirent, vidé en champ-clos et dans un combat singulier, selon les lois de la chevalerie, devant toute noble personne qui aura droit de présider et d’être juge. »
Il n’est pas facile de concevoir l’étonnement de sir John de Walton en entendant le contenu de cet extraordinaire cartel ; il regarda lady de Berkely avec cet air de désespoir qu’on peut supposer à un criminel qui verrait son ange gardien se préparer à partir. Des idées semblables flottaient aussi dans l’esprit d’Augusta comme si on lui accordait enfin ce qu’elle avait toujours regardé comme le comble de son bonheur, mais à des conditions déshonorantes pour un amant, comme jadis la flamboyante épée du chérubin, qui était une barrière entre nos premiers parens et les délices du paradis. Sir John de Walton, après un moment d’hésitation, rompit le silence en ces termes :
« Noble dame, vous pouvez être surprise qu’on m’impose une condition qui a pour objet votre mise en liberté, et que sir John de Walton, qui vous a déja tant d’obligations qu’il est fier de reconnaître, hésite cependant à l’accepter avec le plus vif empressement, cette condition qui doit assurer votre liberté et votre indépendance ; mais le fait est que les mots qui viennent d’être prononcés ont retenti à mon oreille sans arriver jusqu’à mon intelligence, et il faut que je prie lady de Berkely de m’excuser si je prends un moment pour y réfléchir. »
« Et moi, répliqua Turnbull, je ne puis vous accorder qu’une demi-heure de réflexion pour une offre que vous devriez, ce me semble, accepter en haussant les épaules, au lieu de demander le temps de la méditer ! Le cartel exige-t-il de vous chose que votre devoir comme chevalier ne vous oblige pas implicitement de faire ? Vous vous êtes engagé à devenir l’agent du tyran Édouard, en tenant comme gouverneur le château de Douglas, au préjudice de la nation écossaise et du chevalier de Douglas-Dale, qui jamais, ni comme nation ni comme individu, ne se sont rendus coupables de la moindre injure envers vous ; vous suivez donc une fausse route, indigne d’un loyal chevalier. D’un autre côté, la liberté et la sûreté de votre dame vous sont actuellement promises ; elle vous sera rendue en tout honneur et respect, si vous consentez à quitter la ligne de conduite injuste dans laquelle vous vous êtes laissé imprudemment engager. Si vous y persévérez au contraire, vous placez votre propre honneur et le bonheur de cette noble dame entre les mains d’hommes auxquels vous avez fait tout ce qu’il était possible de faire pour les réduire au désespoir, et qui, irrités ainsi, n’agiront plus vraisemblablement qu’en désespérés. »
« Ce n’est pas du moins de toi, dit le chevalier, que j’apprendrai à connaître la manière dont Douglas explique les lois de la guerre, et dont Walton doit recevoir ces explications comme des préceptes. »
« Je ne suis donc pas reçu comme un messager de paix ? répliqua Turnbull. Adieu, et songez que cette dame est loin d’être en des mains sûres pendant que vous méditerez à loisir sur le message que je vous ai apporté. Allons, madame, il faut nous en revenir. »
En parlant ainsi, il prit la main de lady Augusta, et la tira brusquement, comme pour la forcer à le suivre. La pauvre fille était demeurée immobile et presque privée de sentiment, tandis que ces discours étaient échangés entre les deux guerriers ; mais quand elle se sentit entraînée par Michel Turnbull, elle s’écria, comme si la frayeur la mettait hors d’elle-même : « À mon secours, de Walton ! »
Le chevalier, transporté soudain de fureur, assaillit le chasseur avec une rage terrible, et lui porta avec sa longue épée, sans qu’il pût se mettre sur ses gardes, deux ou trois bons coups, dont il fut si blessé ; qu’il tomba à la renverse dans le taillis ; et de Walton allait l’achever, lorsqu’il en fut empêché par un cri aigu de sa maîtresse : « Hélas ! de Walton, qu’avez-vous fait ? Cet homme était ambassadeur, et il aurait dû être à l’abri de toute violence tant qu’il se bornait à
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