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Le cheval de Troie

Le cheval de Troie

Titel: Le cheval de Troie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colleen McCullough
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dirigeai vers la plage.
    Patrocle gisait, enveloppé de son linceul. Je fis trois fois le tour de sa dépouille, mis pied à terre et dégageai le baudrier des pieds d’Hector. Il me fut facile de prendre son corps inerte dans mes bras, mais l’abandonner aux pieds de Patrocle me fut particulièrement pénible. Briséis s’enfuit, effrayée. Je m’assis là où elle s’était trouvée et, la tête entre les genoux, je me remis à pleurer.
    — Achille, rentre à la maison, supplia-t-elle.
    Avec l’intention de refuser, je levai les yeux vers elle. Briséis aussi avait souffert et je ne pouvais la faire souffrir davantage. Pleurant toujours, je me levai et la suivis jusqu’à la maison. Elle me fit asseoir sur une chaise et me tendit un linge pour m’essuyer le visage, un bol pour me laver les mains, du vin pour me calmer. Je ne sais comment, elle parvint à ôter mon armure et pansa ma blessure à la cuisse. Quand elle commença à enlever ma tunique rembourrée, je l’arrêtai.
    — Laisse-moi.
    — Il faut pourtant que je te donne un bain.
    — Non, pas avant que Patrocle soit enterré.
    — Patrocle est devenu ton mauvais génie, dit-elle d’une voix calme.
    Je quittai la maison après lui avoir lancé un regard furieux et me rendis non pas là où gisait Patrocle mais sur la plage. Je m’y laissai tomber comme une pierre.
    Mon sommeil fut semblable à une transe infinie. Une forme vaporeuse m’apparut, brillant d’un éclat surnaturel. Venue de loin, elle s’approcha, de plus en plus distincte et opaque. Prenant sa forme définitive, elle occupait maintenant le centre de ma conscience. Patrocle plongeait son regard bleu droit dans ma nudité. Ses cheveux blonds striés de rouge, il pinçait les lèvres.
    — Achille, Achille, murmura-t-il d’une voix qui était la sienne sans l’être vraiment, trop lugubre et glaciale, comment peux-tu dormir alors que je ne suis toujours pas enterré et ne puis traverser le Fleuve ? Libère-moi ! Délivre-moi de mes attaches charnelles !
    Je lui tendis les bras pour le supplier de comprendre ; j’essayai de lui expliquer pourquoi je l’avais laissé combattre à ma place. Je l’enlaçai. Mes doigts se refermèrent sur le vide, sa forme lumineuse se dissipa dans les ténèbres et se fondit dans le néant. Le Néant ! Le Néant  ! Je poussai un cri et m’éveillai en sursaut. Une douzaine de Myrmidons me maintenaient au sol. Je les écartai avec un geste d’agacement. Je m’éloignai des navires en trébuchant et rentrai. La pâle lueur de l’aube me montra le chemin.
    Pendant la nuit, un coup de vent avait jeté à terre le linceul de Patrocle ; les Myrmidons qui formaient sa garde d’honneur n’avaient pas osé s’approcher pour le remettre en place. Aussi vis-je Patrocle dès mon arrivée sur la place. Il dormait. Il rêvait. Si paisible, si doux. Je venais de voir le vrai Patrocle et ses lèvres m’avaient dit que jamais il ne me pardonnerait. Son cœur, si généreux depuis l’époque de notre adolescence, était à présent aussi froid et aussi dur que du marbre. Pourquoi le visage que j’avais sous les yeux était-il si tendre et affable ? Pouvait-il être le visage de l’ombre qui hantait mon sommeil ? La mort changeait-elle vraiment à ce point les hommes ?
    Mon pied toucha quelque chose de froid ; je fus pris de tremblements incontrôlables quand je vis Hector gisant là où je l’avais laissé la veille au soir, les jambes recroquevillées comme si elles étaient brisées, la bouche et les yeux grands ouverts ; sur sa chair exsangue apparaissaient les plaies d’une douzaine de blessures.
    Je détournai le regard ; des Myrmidons arrivaient de toutes parts, éveillés par le vacarme de leur chef qui criait comme un dément. Automédon les précédait.
    — Achille, il est temps de l’enterrer.
    — Plus que temps.
    Nous transportâmes Patrocle sur un radeau de l’autre côté du Scamandre et marchâmes en tenue de combat, portant son corps sur un bouclier, à hauteur d’épaule. Je me tenais derrière le bouclier, sa tête dans la paume de ma main droite, car je menais le deuil. L’armée tout entière s’était amassée sur les falaises et la plage, pour voir les Myrmidons le mettre au tombeau.
    Une fois arrivés dans la caverne, nous le déposâmes doucement sur le char funèbre en ivoire, vêtu de l’armure qu’il portait habituellement au combat, le corps couvert de mèches de nos cheveux. Ses lances et

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