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Le cheval de Troie

Le cheval de Troie

Titel: Le cheval de Troie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colleen McCullough
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vaincre sa nature mortelle. Son bras retomba et enfonça la flèche plus profondément encore. Il en reçut deux autres encore, dont une dans le talon. Ce ne pouvait être pire. Je retins l’attelage à deux mains, Xanthos terrorisé bronchait, Balios baissait la tête, Podargos battait le sol de ses sabots. Mais Patrocle n’était pas là pour parler à leur place et exprimer par des mots humains la douleur et l’épouvante qui les étreignaient.
    Tous ceux qui entendirent le cri de guerre se retournèrent pour regarder. Ajax hurla comme si lui aussi avait été atteint. Le sang jaillit de la bouche sans lèvres et des narines, ruisselant sur l’armure couverte d’or. Juste derrière Ajax, Ulysse vociféra, plein de rage, et pointa le doigt. À l’abri d’un rocher, arc à la main, Pâris souriait.
    Achille ne resta pas longtemps debout avant de basculer par-dessus le bord du char dans les bras d’Ajax et de l’entraîner dans sa chute avec un fracas métallique qui résonna dans nos cœurs et continue d’y résonner. J’étais à côté d’Ajax quand il s’agenouilla, son cousin dans les bras, quand il lui ôta son casque et contempla, décontenancé, son visage ensanglanté. Achille vit celui qui le tenait, mais il voyait la mort plus près, énorme. Il essaya de parler. En vain. Ses paroles lui restèrent dans la gorge ; ses yeux exprimèrent un rapide adieu. Puis ses pupilles se dilatèrent, une tache noire et vitreuse obscurcit l’éclat doré des iris. Par trois fois son corps fut saisi de terribles soubresauts. Ajax en fut ébranlé. Puis ce fut fini. Il était mort. Achille était mort. Nous plongeâmes nos regards dans les fenêtres vides de ses yeux : rien. Ajax étendit sa grosse main maladroite pour lui clore les paupières, puis lui remit son casque et l’attacha. Ses larmes coulaient à flots, sa bouche était tordue par la douleur.
    Il était mort. Achille était mort. C’était insoutenable.
     
    Sous le choc, les deux armées restèrent pétrifiées. Puis, soudain, les Troyens fondirent sur nous, comme des chiens assoiffés de sang. Ils voulaient à tout prix s’emparer du corps et de l’armure. D’un bond, Ulysse fut debout. Les Myrmidons gardaient le silence. L’impossible était devenu réalité. Ulysse saisit la Vieille Pélion et la brandit sous leurs yeux.
    — Allez-vous les laisser s’emparer de lui ? hurla-t-il. Vous avez été témoins de la manière ignoble et sournoise dont ils l’ont tué. Allez-vous rester plantés là et les laisser vous enlever son corps ? Défendez-le !
    Ils surmontèrent leur chagrin. Aucun Troyen ne parviendrait à s’approcher d’Achille tant qu’un seul d’entre eux serait encore en vie. Se déployant devant nous, ils firent face à l’assaut avec une brutalité que la souffrance exacerbait. Ulysse aida Ajax, en larmes, à se relever. Il l’aida à prendre dans ses bras le corps pesant et inerte.
    — Emporte-le derrière les lignes, Ajax. Je veillerai à ce qu’ils n’enfoncent pas notre front.
    Comme s’il y avait pensé après coup, il força Ajax à prendre la Vieille Pélion de la main droite. J’avais toujours eu des doutes sur Ulysse, mais c’était un vrai roi. Bien planté sur le sol encore chaud du sang d’Achille, il frappait d’estoc et de taille avec son épée. Nous repoussâmes la charge des Troyens. Énée glapit comme un chacal quand il vit Ajax s’éloigner d’un pas lourd.
    Je regardai Ulysse.
    — Ajax est fort mais pas assez fort pour aller bien loin en portant Achille. Laisse-moi le rattraper et transporter le corps.
    Il acquiesça d’un signe de tête.
    Je lançai donc mon attelage à la poursuite d’Ajax. Alors que j’étais encore trop loin pour lui venir en aide, un char me dépassa l’aurige cherchait à lui couper la route. Sur le char se trouvait un des fils de Priam, reconnaissable aux insignes pourpres de la maison de Dardanos sur la cuirasse. Je criai pour avertir Ajax, mais il ne sembla pas m’entendre.
    Le prince troyen descendit de son perchoir, épée à la main, sourire aux lèvres. Évidemment il ne connaissait pas Ajax qui, sans même ralentir, embrocha le prince sur la Vieille Pélion.
    — Ajax, dépose Achille dans le char, lui dis-je en arrivant à sa hauteur.
    — Je le porterai jusque chez lui.
    — C’est trop loin, tu vas te tuer.
    — Si, je le porterai.
    — Alors enlevons-lui au moins son armure, proposai-je en désespoir de cause, mets-la dans le

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