Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le cheval de Troie

Le cheval de Troie

Titel: Le cheval de Troie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colleen McCullough
Vom Netzwerk:
char.
    — Je sentirai sur moi son corps et non pas son armure, ainsi. Oui, c’est une bonne idée.
    Dès qu’Achille fut débarrassé de ce poids terrible, Ajax poursuivit sa route en berçant son cousin, embrassant son visage abîmé, lui parlant doucement.
     
    L’armée nous suivait lentement en travers de la plaine ; je me tenais derrière Ajax qui avançait à grandes enjambées, comme s’il pouvait encore parcourir des lieues et des lieues en portant Achille.
    Le dieu avait dominé son chagrin pendant un long moment.
    Il s’y abandonna enfin. Au-dessus de nos têtes, la voûte céleste fut sillonnée d’éclairs. L’attelage frémit et s’arrêta, cloué au sol par la terreur. Même Ajax fit halte, restant bien droit tandis que le tonnerre grondait et que les éclairs dessinaient dans les nuées un lacis fantastique. La pluie se mit enfin à tomber, en grosses gouttes clairsemées, comme si le dieu était trop ému pour vraiment laisser jaillir ses larmes. Puis la pluie tomba plus drue et, très vite, nous pataugions dans un vaste bourbier. L’armée nous rattrapa. Le tonnerre du dieu avait mis fin à la bataille. Tous ensembles, nous fîmes traverser à Achille le gué du Scamandre, Ajax en tête et le grand roi derrière lui. Sous un déluge de pluie, nous le déposâmes à terre, tandis que le Père le lavait de ses larmes célestes.
    J’allai trouver Briséis en compagnie d’Ulysse. Sur le seuil de la porte, elle nous attendait.
    — Achille est mort, dit Ulysse.
    — Où est-il ? demanda-t-elle d’une voix calme.
    — Devant la maison d’Agamemnon, répondit Ulysse sans cesser de pleurer.
    Briséis lui caressa le bras et sourit.
    — Il ne faut pas te désoler, Ulysse. Il sera immortel.
    Ils avaient installé un dais au-dessus de son corps pour le protéger de la pluie. Briséis baissa la tête pour se glisser dessous et resta là à regarder la dépouille de cet homme extraordinaire. Je me demandai si elle avait vu ce que je remarquai : la bouche dénuée de lèvres était dans la mort devenue normale. Il avait le visage emblématique du guerrier.
    Mais ce qu’elle pensa, elle ne le révéla jamais, ni alors ni par la suite. Avec une infinie tendresse, elle se pencha, lui baisa les paupières, prit ses mains et les croisa sur sa poitrine, ajusta sa tunique.
    Il était mort. Achille était mort. Comment pourrions-nous jamais supporter son absence ?
    Nous le pleurâmes sept jours entiers. Le dernier soir, au coucher du soleil, nous déposâmes son corps sur le char mortuaire doré et le transportâmes de l’autre côté du Scamandre jusqu’au tombeau dans la falaise. Briséis nous accompagna, car personne n’avait eu le cœur de la chasser ; elle marchait tout au bout du long cortège, mains croisées et tête baissée. Ajax conduisait le convoi funèbre. Il tenait la tête d’Achille dans la paume d’une de ses mains quand on le porta dans la chambre funéraire. Le mort était vêtu d’or mais ne portait nulle armure. Agamemnon l’avait gardée.
    Lorsque les prêtres eurent prononcé les paroles rituelles, fixé le masque d’or et versé les libations, nous sortîmes l’un derrière l’autre du tombeau qu’il partageait avec Patrocle, Penthésilée et douze jeunes nobles troyens. Mais ce qui surprenait le plus, c’était l’atmosphère qui régnait à l’intérieur du tombeau suave, pure, ineffable. Le sang des douze jeunes gens dans le calice doré était toujours liquide, d’une profonde couleur pourpre.
    Je me retournai pour m’assurer que Briséis suivait et la vis agenouillée près du char mortuaire. Sans aucun espoir d’arriver à temps, je revins en courant au tombeau, Nestor à mes côtés. Nous restâmes sans voix quand elle posa le couteau avec le peu d’énergie qui lui restait avant de s’affaler sur le sol. Oui, son acte était justifié ! Comment pouvait-on affronter la lumière d’un jour que ne connaîtrait pas Achille ? J’allais me baisser pour ramasser le couteau, mais Nestor m’en empêcha.
    — Viens, Automédon. Il y a assez de morts ici.
    Le festin funèbre eut lieu le lendemain. Il n’y eut point de jeux. Agamemnon expliqua pourquoi.
    — Je doute que quelqu’un ait le courage de participer à la moindre compétition. Mais là n’est pas la raison. La raison, c’est qu’Achille ne voulait pas être enterré vêtu de l’armure que sa mère – une déesse – avait commandée à Héphaïstos. Il souhaitait qu’elle fût

Weitere Kostenlose Bücher